SEKRI VALENTIN ZERROUK

Newsletter Immobilier #7
Bail commercial

Fixation du loyer à la valeur locative inférieure au loyer plafonné : application stricte du plafonnement à sens unique

Une société preneuse sollicite le renouvellement de son bail commercial. Faute d’accord entre les parties sur le montant du loyer, une procédure en fixation judiciaire est engagée. Le tribunal judiciaire de Toulouse, après expertise, fixe le loyer à un montant inférieur à celui résultant de l’évolution indiciaire (loyer plafonné).

La cour d’appel rappelle que, conformément à l’article L.145-33 du Code de commerce, le loyer du bail renouvelé peut être fixé à la valeur locative si celle-ci est inférieure au loyer plafonné, sans que le locataire n’ait à invoquer une déspécialisation ou une modification notable des facteurs locaux de commercialité.

 

Elle indique ainsi de manière très pédagogique que « Le loyer « plafond » est un loyer butoir qui empêche le bailleur d’obtenir un loyer égal à la valeur locative si celle-ci est supérieure audit plafond, mais comme son nom l’indique, il joue à sens unique.

 

Ainsi, si la valeur locative est inférieure au loyer plafonné, c’est elle qui doit être appliquée sans que le locataire ait à justifier d’une exception au principe du plafonnement ».

 

Le plafonnement ne jouant qu’en faveur du preneur, la cour écarte en l’espèce l’application du loyer plafond, pourtant supérieur, et retient la valeur locative, conformément au rapport d’expertise.

Cour d’appel de Toulouse, 8 avril 2025, n°22/02655

Pas de prescription concernant la constatation de l’existence d’un bail commercial faisant suite à un bail dérogatoire

La Cour d’appel rappelle que la constatation de l’existence d’un bail commercial, né du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire, n’est soumise à aucun délai de prescription. Cette demande, fondée sur l’article L.145-5 du code de commerce, se distingue de l’action en requalification d’un contrat en bail commercial, laquelle est soumise à la prescription biennale.

En l’espèce, une société locataire sollicitait la reconnaissance d’un bail commercial sans remettre en cause le bail dérogatoire initial conclu antérieurement. Le locataire était resté dans les lieux au-delà du terme du bail, sans opposition du bailleur.

 

La cour confirme donc que le nouveau bail, soumis au statut des baux commerciaux, s’est formé du seul fait du maintien en possession et que l’action du bailleur est recevable car imprescriptible.

 

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante, régulièrement rappelée par la 3e chambre civile (13 mai 2013, n°13-23.321 ; 1er octobre 2014, n°13-16.806 ; 25 mai 2023, n°21-23.007).

Cour d’appel de Chambéry, 8 avril 2025, n°23/00411

Déplafonnement du loyer : impact des travaux réalisés par le preneur à ses frais

Aux termes des stipulations de son bail commercial, le preneur est autorisé à réaliser à ses frais un passage couvert de type véranda permettant d’assurer la communication entre deux réserves. Par la suite, l’une de ces réserves est utilisée en espace de vente. Lors de la procédure en fixation du loyer de renouvellement après exercice du droit de repentir du bailleur, le bailleur sollicite l’augmentation du loyer du fait de l’amélioration des locaux loués durant le bail initial.

La Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles L145-33 et L145-34 du Code de commerce qu’une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne peut constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer qu’autant qu’elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale exercée par le preneur.

 

Selon l’article R. 145-8, les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

 

Elle en déduit ainsi qu’ « en présence d’une clause prévoyant l’accession des constructions au bailleur en fin de bail, la modification notable, au cours du bail à renouveler, des caractéristiques du local par la réalisation de travaux par le preneur à ses frais exclusifs entraîne le déplafonnement du prix du bail lors du premier renouvellement suivant celui durant lequel les travaux ont été exécutés, à moins que ces travaux ne constituent des travaux d’amélioration ».

 

La Haute Juridiction apporte en sus une précision particulièrement importante s’agissant de l’augmentation de la surface de vente du preneur du fait des travaux réalisés : « la réalisation de ces travaux et l’autorisation contemporaine du bailleur au preneur d’utiliser la réserve en fond de cour (…) a eu pour effet de modifier notablement l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, (…) en accroissant significativement la surface des locaux destinée à l’accueil de la clientèle » mais que « les travaux ayant été effectués par le preneur à ses frais, ceux-ci n’entraîneront un déplafonnement du loyer qu’au second renouvellement du bail ».

Cour d’appel, Caen, 2ème chambre civile, 24 avril 2025 – n° 23/02891

Exercice d’une nouvelle activité par le preneur et action en acquisition de la clause résolutoire par le bailleur

Un preneur a pris à bail commercial des locaux pour une activité d’achat, vente et exposition de véhicules neufs et d’occasion. Lors de la dernière période triennale, le preneur sollicite auprès de son bailleur, qui refuse, d’exercer une activité de réparation de véhicules d’occasion et vente de pièces détachées de véhicules à moteur. Le bailleur, apprenant que le preneur est passé outre ce refus, lui fait délivrer un commandement d’avoir à respecter l’article 4 du bail relatif à la destination des locaux loués, visant la clause résolutoire.

Les faits de l’espèce sont particulièrement éclairants, dès lors que le bail précisait d’ores et déjà que « tout changement même temporaire dans la destination des lieux ou la nature du commerce exploité, ainsi que toutes activités annexes ou complémentaires devront recevoir l’accord exprès préalable et écrit du bailleur sous peine de résiliation du présent bail » et que le gérant, lors de sa demande auprès du bailleur, avait indiqué vouloir exercer une « nouvelle activité ».

 

La Cour de cassation juge que le simple silence pendant plusieurs années de la bailleresse, malgré sa connaissance des activités réellement exercées par la locataire, ne suffit pas à établir l’absence de renonciation claire et non équivoque à se prévaloir de l’article 4 du bail.

 

Le bailleur était donc parfaitement fondé à se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 avril 2025, 23-21.473

Obligation de délivrance et clause de non-recours imprécise

Un locataire de locaux à usage de bureaux assigne son bailleur en référé pour désordres résultant d’infiltrations d’eau. Un expert est désigné. Le locataire donne ensuite congé au bailleur, qui sollicite le paiement des loyers et charges impayés, une clause pénale, le coût de réparations locatives, ainsi que des dommages-intérêts. Ce locataire sollicite la compensation de cette dette avec son préjudice né du manquement à l’obligation de délivrance par le bailleur.

L’article du bail en question prévoyait que « le preneur s’engage pour lui-même et ses assureurs à renoncer à tout recours contre le bailleur et ses assureurs du fait de la destruction ou de la détérioration totale ou partielle de tous matériels, objets mobiliers, valeurs quelconques et marchandises, du fait de la privation ou de troubles de jouissance des lieux loués et même en cas de perte totale ou partielle des moyens d’exploitation ».

 

La Cour de cassation rappelle que selon les articles 1719 et 1720 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au preneur la chose louée, en bon état de réparations de toute espèce, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, d’y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives, et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

 

Elle en déduit naturellement qu’une clause de non-recours, qui n’a pas pour objet de mettre à la charge du preneur certains travaux d’entretien ou de réparation, n’a pas pour effet d’exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.

 

Aussi et contrairement à ce qu’a jugé l’arrêt d’appel, la clause par laquelle le preneur renonce à tout recours « pour les dégâts causés dans les locaux loués aux objets mobiliers, marchandises ou matériels quelle qu’en soit l’origine, du fait de la privation de jouissance ou de troubles de jouissance des lieux loués » ne prive nullement celui-ci de toute demande d’indemnisation sur le fondement du manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 10 avril 2025, n° 23-14.974

Le paiement en avance de sommes excédant deux termes de loyer ne constitue pas en soi un facteur de diminution de la valeur locative

Le preneur à bail commercial de locaux à usage d’usine sollicite le renouvellement du bail auprès de la société bailleresse, qui accepte le principe du renouvellement. Les parties ne s’accordant pas sur le montant du loyer, le locataire saisit le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative à la baisse.

Le preneur contestait le montant du loyer fixé pour le bail renouvelé, en soutenant que les obligations financières exceptionnelles mises à sa charge (paiement du loyer trimestriellement d’avance et dépôt de garantie de six mois de loyer TTC, soit l’équivalent de plus de neuf mois de loyer hors taxes d’avance) justifiaient une minoration de la valeur locative.

 

Selon les articles L. 145-33, 3° et R. 145-8 du Code de commerce, les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, sans contrepartie, constituent en effet un facteur de diminution de la valeur locative.

 

Cependant, la Cour de cassation rejette cet argument et rappelle que, selon l’article L. 145-40 du Code de commerce, les loyers payés d’avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêts au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes.

 

La Haute Juridiction en tire alors les conséquences : une stipulation d’un bail commercial qui met à la charge du locataire une obligation de payer en avance des sommes excédant celle correspondant au prix du loyer de plus de deux termes ne constitue pas en soi un facteur de diminution de la valeur locative dès lors que le bailleur a pour obligation de payer, sur cette somme, des intérêts à un taux fixé par la loi.

 

La Haute juridiction retient donc la minoration de la valeur locative ne saurait être retenue en l’espèce.

Cass, civ. 3ème, 7 mai 2025, n°23-15.394

Délivrance conforme, sécurité incendie et existence de désordre au moment de la prise à bail

Un incendie survient en toiture de locaux donné à bail commercial, ayant pour origine des panneaux photovoltaïques installés par un tiers dans le cadre d’une convention conclue par la locataire.

Le bail commercial stipulait que le locataire s’obligeait « d’une part, à se conformer à la réglementation la concernant, prenant les lieux dans l’état où ils se trouvaient au moment de l’entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur, pendant toute la durée du bail, aucune mise en état ni aucune réparation, y compris le gros entretien et les grosses réparations, par dérogation expresse à l’article 606 du code civil, d’autre part, à effectuer dans les lieux loués, toute réfection ou tout remplacement, dès qu’ils s’avéreraient nécessaires, de tous travaux de mises aux normes des locaux de sorte qu’ils soient en tout temps conformes aux prescriptions administratives ».

 

Toutefois, l’expertise judiciaire ordonné a révélé que les locaux loués présentaient dès la construction une réserve non conforme, l’absence de dispositifs de désenfumage et l’absence de robinet d’incendie armé.

 

La Cour de cassation en déduit que la stipulation contractuelle ne mettait pas à la charge du locataire les travaux pour remédier aux non-conformités avec les règles de sécurité-incendie existantes au moment de la délivrance initiale des locaux loués.

 

En l’absence d’une clause explicite, le bailleur doit donc délivrer les locaux conformes sur le fondement des article 1719 et 1720 du Code civil.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 10 avril 2025 – n° 23-14.105, n° 23-15.124, n°23-14.099

L’article 1722 du Code civil ne permet pas au preneur de se dispenser des loyers dus pendant la période dite de « fermeture Covid »

Aux termes de l’article 1722 du Code civil, lorsque, pendant la durée du bail, la chose louée est totalement détruite par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. En cas de destruction partielle, le preneur peut, selon les circonstances, demander soit une diminution du loyer, soit la résiliation du bail. Dans les deux hypothèses, aucun dédommagement n’est dû.

La Cour de cassation rappelle qu’une mesure gouvernementale d’interdiction générale, temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local ne saurait être assimilée à une perte de la chose au sens de cet article (3e Civ., 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-21.867).

 

Certes, le locataire n’a pu jouir des locaux loués ou en user conformément à leur destination mais l’article 1722 du Code civil, afférent à la perte de la chose louée, ne peut ici trouver à s’appliquer.

 

Ce faisant, la Haute Juridiction confirme sa position déjà bien établie en la matière.

Cass, civ. 3ème, 7 mai 2025, n°24-10.097

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