SEKRI VALENTIN ZERROUK

Newsletter Immobilier #5
Bail commercial

Date de départ de l’indemnité d’occupation en cas d’exercice du droit d’option par le bailleur

En l’espèce, le preneur signifie une demande de renouvellement. Le bailleur accepte le principe du renouvellement du bail à effet du 1er janvier 2015 mais sollicite un nouveau loyer le 7 octobre 2015. Après une procédure de fixation du loyer, le loyer du bail renouvelé est arrêté définitivement. Le bailleur décide alors d’exercer son droit d’option, en refusant le renouvellement du bail en date du 26 janvier 2017.

L’article L. 145-57 du Code de commerce dispose que le droit d’option permet aux parties de se raviser après avoir offert ou accepté le principe du renouvellement.

 

L’article L.145-28 du même code dispose que, lorsque le locataire se maintient dans les lieux en attente du paiement de l’indemnité d’éviction, le bailleur peut prétendre, dès l’expiration du bail, au paiement d’une indemnité d’occupation, distincte du loyer, qui, à défaut de convention contraire, correspond à la valeur locative des lieux déterminée selon les critères de l’article L. 145-33 du code de commerce.

 

La Cour de cassation rappelle que le bailleur ayant exercé son droit d’option, le preneur devient automatiquement redevable d’une indemnité d’occupation « égale à la valeur locative, qui se substitue rétroactivement au loyer dû, et ce à compter de la date d’expiration du bail dont le bailleur avait d’abord accepté le principe du renouvellement ».

 

A partir de quand cette indemnité d’occupation commence-t-elle à courir ?

 

La Cour d’appel avait retenu que le bailleur ayant tacitement accepté le principe du renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2015 et n’ayant formé une demande de nouveau prix que le 7 octobre 2015, sa demande de fixation de l’indemnité d’occupation à un autre montant que le loyer ne peut donc être accueillie qu’à compter du 1er janvier 2016.

 

La Haute Juridiction censure ce raisonnement et précise que l’indemnité d’occupation se substitue rétroactivement au loyer dès la date d’expiration du bail initial, non à compter de la notification du droit d’option.

Cass. civ. 3ème, 27 février 2025, n°23-18.219

L’importance de la répartition des charges aux termes du bail commercial

Un bail commercial, conclu avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel (n°2014-626 du 18 juin 2014) ne comportait aucune précision sur l’imputation des charges locatives et notamment leur refacturation au preneur par le bailleur. Cela étant, le preneur s’est acquitté du paiement des charges tel que sollicité par le bailleur sans jamais émettre de contestation. Il assigne pourtant le bailleur en restitution de charges payées depuis 2015 en raison de l’absence de précision du bail sur les charges refacturables ou non au preneur.

La Cour d’appel déboute le preneur en indiquant que le preneur « s’est acquitté pendant neuf années d’une certaine somme au titre du paiement des charges ou charges locatives, ce locataire ne pouvant désormais soutenir que celles-ci n’étaient pas dues compte tenu d’une imprécision terminologique du bail ».

 

La Cour de cassation censure la cour d’appel dès lors qu’elle n’a pas recherché si les charges en question étaient expressément mises à la charge du preneur par le bail commercial.

 

Cet arrêt vient renforcer l’obligation, pour les parties, de prévoir expressément et clairement l’imputation des charges. A défaut et peu important que le preneur ait spontanément réglé pendant plusieurs années ces mêmes charges, seul le bailleur en demeure redevable.

Cass. civ. 3ème, 13 février 2025, n°23-17.978

La clause de renonciation à recours : attention au réputé non-écrit

En l’espèce et à la suite d’une expertise judiciaire dont la conclusion est « l’entière responsabilité de la bailleresse », le preneur assigne ladite bailleresse en indemnisation de ses préjudices.

Aux termes de l’article 6 g) du bail, intitulé « Responsabilités-Assurances », il était cependant stipulé que « Le Preneur renonce à tout recours en responsabilité ou réclamation contre le Bailleur, tous mandataires du Bailleur, et leurs assureurs et réciproquement pour le Bailleur à l’égard du Preneur ».

 

La Cour d’appel de Versailles précise que « ces stipulations aboutissent à décharger la bailleresse de ses obligations de délivrance et de réparation de la chose louée, issues des articles 1719 et 1720 précités, afin que la preneuse puisse en jouir paisiblement pendant la durée du bail ».

 

En conséquence et selon une jurisprudence relativement constante aux termes des derniers arrêts rendus par les juges du fond, la clause est réputée non écrite.

Cour d’appel de Versailles, 26 février 2025, n°24/04747

Procédures multiples : la résiliation ne peut être prononcé qu’une fois pour un même bail commercial !

En l’espèce, des locaux objet d’un bail commercial sont détruits partiellement par un incendie. Le preneur assigne les bailleurs à faire procéder à la réparation et à la mise en conformité de l’installation électrique et en indemnisation des préjudices subis.

Les bailleurs lui délivrent ensuite un commandement de payer visant la clause résolutoire, en raison de loyers impayés ; en défense, le preneur invoque la résolution judiciaire du bail pour manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance et de jouissance paisible.

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette la demande de résiliation du bail aux torts des bailleurs formulée par le preneur car le bail était déjà résilié par l’acquisition de la clause résolutoire un mois après le commandement de payer demeuré infructueux.

 

La Cour de cassation confirme l’arrêt rendu en indiquant qu’ « un bail dont la résiliation est acquise ne (peut) être à nouveau résilié ».

Cass. civ. 3ème, 6 février 2025, n°23-17.922

Acquisition de la clause résolutoire ou résolution du bail ?

En l’espèce, après avoir fait délivrer les deux commandements de payer des charges, visant la clause résolutoire, le bailleur a assigné le preneur en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, et subsidiairement en prononcé de la résiliation du bail, ainsi qu’en paiement de l’arriéré locatif et d’une indemnité d’occupation.

Il est d’abord constaté par la Cour d’appel que « sans préciser à compter de quelle date cette résiliation devait intervenir (…) un bail déjà résilié judiciairement ne peut pas être à nouveau résilié » et la demande du bailleur doit donc être rejetée.

 

Le constat de l’acquisition de la clause résolutoire étant exclu, la Cour de cassation se prononce alors désormais sur la demande en résolution du bail sur le fondement de l’article 1184 du Code civil et rappelle que les juges du fond doivent « rechercher si le non-paiement du loyer et des charges constaté était un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat ».

 

Cette décision rappelle qu’il sera toujours préférable pour le bailleur d’agir en acquisition de la clause résolutoire plutôt qu’en résolution judiciaire du bail, excluant toute appréciation souveraine des juges du fond dans la gravité du manquement du preneur.

Cass. civ. 3ème, 27 février 2025, n°23-17.898

Les travaux de rénovation dans le but d’améliorer la rentabilité énergétique d’un immeuble est un motif légitime et sérieux de congé

Le congé délivré par le bailleur pour la réalisation de travaux de rénovation ayant pour objet l’amélioration de la performance énergétique de l’immeuble est valable.

Tout en rappelant que le propriétaire n’a pas à établir le caractère indispensable des travaux, la Cour d’appel de Bordeaux est en effet venue confirmer la légitimité du motif du congé, reposant suffisamment en l’espèce sur la recherche d’une rénovation globale afin d’améliorer la rentabilité énergétique de l’immeuble ou l’acoustique des logements, dont les installations étaient vieillissantes.

 

Il ne s’agissait, comme le rappellent les magistrats, de « travaux d’envergure portant sur l’ensemble des appartements », devant être « menés de concert sur tout l’immeuble et ne permettant en aucun cas le maintien des locataires dans les lieux en regard notamment de la poussière, du bruit et des risques pour la sécurité qu’ils génèreront, nécessitant pour ce faire l’enlèvement de tous les meubles ».

Cour d’appel de Bordeaux, 6 janvier 2025, n°22/05642

Le bail conclu après publication d’un commandement valant saisie immobilière est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication

L’article L.321-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que les baux consentis par le débiteur après la saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur. Cette inopposabilité de principe, conséquence du statut de l’immeuble saisi et donc indisponible, trouve son exception dans l’article 1743 du Code civil, en vertu duquel “Si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur ne peut expulser le fermier, le métayer ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine”.

La question posée à la Haute juridiction était de savoir si un bail conclu après la publication d’un commandement aux fins de saisie immobilière restait opposable à l’adjudicataire lorsque ce dernier en avait connaissance avant l’adjudication. La cour d’appel avait prononcé la nullité des baux mais la Cour de cassation réfute cette analyse et reconnaît leur opposabilité à l’adjudicataire. La Cour d’appel avait prononcé la nullité des baux mais la Cour de cassation réfute cette analyse et reconnaît leur opposabilité à l’adjudicataire.

 

C’est au visa de l’article 1743 du Code civil que la Cour de cassation est venue réaffirmer que le bail, même conclu après la publication du commandement valant saisie immobilière, est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication.

 

Ce faisant, cette position réaffirmée renforce les droits des preneurs, désormais protégés par des baux ayant des dates certaines.

Cass. civ. 3ème, 27 février 2025, n°23-17.898

La restitution des trop-perçus de loyer en cas de clause d’indexation réputée non écrite est soumise à la prescription quinquennale

Une clause d’indexation ayant été réputée non écrite, le locataire demandait le paiement des sommes indûment versées antérieurement. L’article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Selon l’article L.145-15 du Code de commerce, sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le chapitre V ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l’article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54.

Il est de jurisprudence constante que l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial n’est pas soumise à prescription (3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405 ; 3e Civ., 16 novembre 2023, pourvoi n° 22-14.091).

 

La Haute Juridiction précise que, « dès lors qu’une stipulation réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé, la créance de restitution de l’indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d’application d’une telle stipulation ».

 

En conséquence, le preneur peut agir en paiement des sommes indûment versées dans les cinq ans précédant sa demande en justice.

 

Par ailleurs, la Cour de cassation précise que cette créance de restitution doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d’application de la stipulation réputée non écrite, réputée n’avoir jamais censé existé. Il faut dès lors comparer le montant du loyer dû, abstraction faite de la stipulation illicite, avec le montant réglé, la différence constituant le trop versé qui peut être récupéré sur les cinq dernières années.

Cass. civ. 3ème, 23 janvier 2025, n°23-18.643

Le déplafonnement du loyer commercial justifié par une nouvelle obligation légale

La Cour de cassation a validé le déplafonnement du loyer d’un bail commercial renouvelé, en raison de l’introduction, durant le bail expiré, d’une nouvelle obligation légale à la charge des bailleurs : l’obligation d’assurance responsabilité civile du copropriétaire non-occupant, instaurée par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 et figurant désormais à l’article 9-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Alors même que cette assurance avait été souscrite par les bailleurs avant l’obligation légale, la Cour de cassation a jugé que cette charge supplémentaire justifiait un déplafonnement du loyer pour tenir compte de l’augmentation des frais des bailleurs « peu important que cette assurance ait été volontairement souscrite auparavant ».

 

Cette décision confirme que toute modification notable des charges, même liée à des obligations antérieures, peut justifier la révision du loyer d’un bail commercial.

Cass. civ. 3ème, 23 janvier 2025, n°23-14.887

Le locataire est fondé à agir en rétablissement d’une servitude sur le fonds loué

La Cour de cassation est venue préciser l’intérêt à agir que possède le locataire invoquant un trouble manifestement illicite tenant à l’obstruction d’une servitude dont il bénéficie. En l’espèce, un propriétaire a donné en location à des preneurs une villa voisine de celle appartenant à une SCI. Invoquant un trouble manifestement illicite tenant à l’obstruction par la SCI du chemin traversant sa propriété qu’ils empruntent pour accéder en véhicule à leur logement, les preneurs l’ont assignée, en référé, en retrait de la chaîne et d’un écriteau empêchant un accès libre et suffisant à leur habitation.

L’article 31 du Code de procédure civile précise que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

 

L’article 32 du même code dispose qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

 

La Cour de cassation a cependant considéré que si le locataire n’a pas qualité pour agir en reconnaissance de l’existence d’une servitude de passage au profit du fonds qu’il loue, il peut toutefois, en cas de d’atteinte au droit de passage bénéficiant à ce fonds susceptible de constituer un trouble manifestement illicite, agir en référé pour réclamer, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, le rétablissement dudit passage.

Cass. civ. 3ème, 23 janvier 2025, n°23-19.970

La suspension des effets de la clause résolutoire peut être prononcée même en cas de manquement à une obligation d'exploitation

La Cour de cassation est venue apporter une précision importante sur l’application de l’article L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce afférent à la possibilité pour le juge de suspendre les effets d’une clause résolutoire dans un bail commercial. En l’espèce, le preneur avait cessé d’exploiter son restaurant, ce qui avait entraîné l’application de la clause résolutoire. Il demandait au juge de lui accorder un délai pour reprendre l’activité et suspendre les effets de cette clause.

La Cour d’appel le déboute, indiquant que la suspension « ne peut trouver à s’appliquer qu’en cas de résiliation du bail pour non-paiement des loyers ou des charges, et que tel n’est pas le cas en l’espèce puisque le commandement délivré visait simplement l’obligation de reprendre l’activité et que c’est de ce chef qu’il a produit son effet résolutoire ».

 

La Cour de cassation censure ce raisonnement et rappelle que, selon l’article L. 145-41, le juge peut suspendre les effets de la clause résolutoire, peu importe le type de manquement reproché au preneur, qu’il s’agisse du non-paiement des loyers ou d’une autre obligation, comme l’exploitation du local.

Cass. Civ. 3ème, 6 février 2025, n° 23-18.360

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