Newsletter Immobilier #4
Bail commercial

Le remboursement du dépôt de garantie : qui doit en supporter la charge ?
Un crédit-bailleur a donné à crédit-bail à un crédit-preneur un ensemble immobilier. Par acte du même jour, auquel le crédit-bailleur est intervenu, le crédit-preneur a consenti un bail commercial sur les locaux à construire à une société locataire. Le contrat de bail commercial prévoyait le versement par la locataire, en garantie des obligations issues du bail, d’un dépôt de garantie au profit de la SCI et stipulait que le crédit-bailleur s’engageait, dans l’hypothèse où le crédit-preneur ne lèverait pas l’option d’achat, ainsi que dans celle où le crédit-bail serait résilié, à reprendre à sa charge les obligations du bail. Le crédit-preneur n’a pas levé l’option d’achat dans le délai qui lui était imparti.
La locataire a alors assigné le crédit-preneur et le crédit-bailleur aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à lui restituer le dépôt de garantie.
La Haute Juridiction rappelle, au visa de l’article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 alors applicable, que le contrat de bail commercial ne restreignant pas les obligations du crédit-bailleur et puisque le dépôt a été versé directement au crédit-bailleur, ce dernier est tenu de le restituer.
Elle rappelle ainsi sa jurisprudence constante selon laquelle la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur qui a perçu les fonds, (Cass. 3e civ. 1er avril 2003 n° 02-10.096 ; Cass. 3e civ. 28 juin 2018 n° 17-18.100).
Cass. civ. 3ème, 12 décembre 2024, n° 23-16.858L’interprétation toujours plus extensive des « grosses réparations » par les juges du fond
Par un arrêt en date du 21 avril 2022, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « les réparations d’entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale ».
Les juges du fond retiennent une interprétation extensive de cette position et relèvent par exemple :
- La réparation d’un plancher endommagé peut relever des grosses réparations : « le rez-de-chaussée de l’immeuble repose exclusivement sur le plancher ancien, dans la mesure où aucun autre support n’existe entre ce plancher et le sol en terre ; ce plancher constitue donc un élément de structure et de solidité de l’immeuble, dont la réparation relève des dispositions de l’article 606 du code civil » ;
- Les travaux de ravalement relèvent également des grosses réparations « du fait de leur importance, de leur coût et de ce qu’ils touchent à la structure de l’immeuble ».
Inventaire des charges refacturables : désaccord des juges du fond
L’article L 145-15 du Code de commerce dispose que « Sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l’article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54 ». L’article L 145-40-2 du Code de commerce précise quant à lui que figure aux termes du bail un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances avec leur répartition entre les parties au contrat. L’article R 145-35 du Code de commerce prévoit enfin les catégories de charges, impôts, taxes et redevances qui ne peuvent pas être refacturées au preneur.
La Cour d’appel a retenu dans cet arrêt que « la loi Pinel n’impose pas que l’inventaire des catégories de charges de l’article L 145-40-2 alinéa 1 du code de commerce, soit établi sous forme d’une annexe. Cet inventaire doit figurer au bail ».
Les juges du fond ont ainsi considéré qu’aucun formalisme particulier n’est imposé pour l’inventaire des charges aux termes du bail. Cette position est contraire à celle adoptée par la Cour d’appel de Versailles en début d’année 2024 (Versailles, 7 mars 2024, n°22/05759) qui a réputé non écrite la clause intégrée dans le corps du bail commercial et prévoyant la refacturation de certaines charges au preneur, sans qu’un inventaire ne figure en annexe dudit bail.
Le Tribunal Judicaire de Paris a, quant à lui, décidé qu’en cas d’absence de l’inventaire prévu par l’article L145-40-2 du Code de commerce lors du renouvellement du bail interdit au bailleur de refacturer des charges, quand bien même le bail initial stipulerait diverses clauses permettant la récupération de charges sur le preneur (TJ Paris, 18ème chambre, 14 novembre 2024, n°20/10175).
Une position de la Cour de cassation serait en conséquence la bienvenue afin d’éviter tout « cherry-picking » territorial en fonction des positions de chaque cour d’appel.
Cour d’appel de Rennes, 5ème chambre, 27 novembre 2024, n°22/00385
La caractérisation d’un cas fortuit relève du juge du fond et non du juge des référés
Un propriétaire d’une maison d’habitation la donne en location à des époux. A la suite de l’effondrement de la falaise surplombant la maison donnée à bail, un arrêté municipal de péril imminent avec danger est pris et l’immeuble est déclaré inhabitable. Les locataires ont assigné en référé le bailleur aux fins, notamment, de le voir condamner sous astreinte à réaliser des travaux de réfection ainsi qu’à les indemniser au titre de leurs préjudices.
Le bailleur demande alors, à titre reconventionnel, que la résiliation de plein droit du bail soit ordonnée sur le fondement de l’article 1722 du Code civil.
La Cour d’appel de Bordeaux, statuant en référé, retiennent, pour ordonner la résiliation du bail qu’il est constant que l’immeuble loué a été démoli et ainsi rendu inhabitable du fait de l’effondrement de la falaise le surplombant, de sorte que sa perte par cas fortuit est totale.
La Cour de cassation rappelle que « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail ».
La Haute Juridiction, au visa de l’article 834 du Code de procédure civile, censure les juges de première instance d’avoir tranché une contestation sérieuse relative à la caractérisation d’un cas fortuit, qui relève uniquement de la compétence du juge du fond.
Cass. civ. 3ème, 9 janvier 2025, n° 23-13.247