SEKRI VALENTIN ZERROUK

Newsletter Immobilier #6
Bail commercial

ð La compensation légale n’est pas soumise au délai de prescription quinquennal

En l’espèce, un contrat de location de matériel de travaux publics a été conclu et, le même jour, la société locataire du matériel donnait à bail à la société propriétaire du matériel une partie de ses locaux. Invoquant diverses factures de location de matériel restées impayées, la société propriétaire du matériel a assigné sa cocontractante en paiement. Le liquidateur de la société locataire renouvelle sa demande en compensation en cause d’appel dès lors « que le bénéfice de la compensation légale qui s’opère de plein droit par la seule force de la loi » peut être invoqué à tout moment.

L’article 1290 (ancien) du Code civil, applicable au litige, précisait que la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs. Les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à due concurrence de leurs quotités respectives.

 

La Cour d’appel avait alors retenu que la demande de la société locataire du matériel en compensation des créances de la société bailleresse du matériel avec les factures qu’elle-même a émises au titre de la sous-location d’une partie de ses locaux – demande formée plus de cinq années après l’émission des factures – était prescrite.

 

La Haute Juridiction censure ce raisonnement et précise que la compensation, qui s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs, peut être invoquée à tout moment.

Cass. Com, 26 février 2025, n°23-11.440

ð Le sort de la créance d’indemnité de résiliation d’un bail conclu avant l’ouverture d’une procédure collective

Plusieurs baux commerciaux sont consentis à une société mère et ses filiales opérationnelles. La société mère locataire de divers immeubles est placée en procédure de sauvegarde accélérée, les différents bailleurs étant des créanciers étant affectés par tout plan de sauvegarde mis en place.

La locataire conteste la répartition effectuée par les administrateurs judiciaires au titre du projet de plan concernant les baux commerciaux et notamment la prise en compte des indemnités de résiliation des baux commerciaux nées après la date de notification de la constitution des classes de parties affectées aux termes du projet de plan.

 

La Cour d’appel rappelle qu’il « est de jurisprudence constante que lorsqu’un contrat de bail conclu avant l’ouverture de la procédure collective est résolu, après l’ouverture de cette procédure, la créance d’indemnité de résiliation, bien que née postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par ces dispositions, faute d’être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

 

Ces créances suivent ainsi le régime des créances antérieures et doivent être déclarées au passif ».

 

En conséquence, les créances d’indemnité de résiliation des baux doivent figurer dans le projet de plan proposé par le débiteur en sauvegarde accélérée.

27 février 2025 - Cour d'appel, Pôle 5 - Chambre 9 - 25/02430

Non-respect du formalisme de la cession de fonds de commerce prévu au bail : inopposabilité au bailleur et défaut du droit d’agir du cessionnaire

Un bailleur a consenti un bail commercial portant sur un immeuble à usage d’hôtel au sein duquel une clause imposait au preneur la forme authentique pour toute cession du bail, avec la participation obligatoire du bailleur.

Dans le cadre d’une procédure judiciaire concernant la validité d’un congé délivré par le bailleur, la société cessionnaire est intervenue pour contester le congé. Le bailleur a soulevé une fin de non-recevoir pour défaut du droit d’agir de la société cessionnaire, ce que la Cour d’appel a validé, considérant que la cession était inopposable au bailleur en ce qu’elle avait été réalisée sans respecter le formalisme imposé au bail.

 

Le Cour de cassation confirme ce raisonnement : la clause qui imposait au locataire d’établir tout acte de cession, en ce incluant la cession du fonds de commerce, par acte authentique était valable et la Cour d’appel, qui a constaté que ces stipulations n’avaient pas été respectées, a légalement justifié sa décision en retenant que la cession de fonds de commerce comportant cession du droit au bail était inopposable au bailleur.

Cass. civ. 3ème, 13 mars 2025, n°23-23.372

Indemnité d’éviction et agence bancaire : pas de perte du fonds de commerce

La Cour d’appel de Paris est venue préciser ou, plutôt rappeler, que les conséquences de l’éviction s’apprécient au regard de la possibilité pour le preneur de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante (auquel cas l’indemnisation prend la forme d’une indemnité de transfert) ou de la perte du fonds de commerce (auquel cas l’indemnisation prend la forme d’une indemnité de remplacement).

Quand le fonds de commerce est transférable, l’indemnité principale est qualifiée d’indemnité de déplacement, et correspond à la valeur du droit au bail qui s’obtient selon la méthode dite du différentiel en appliquant à la différence entre le loyer qui aurait été effectivement payé si le bail avait été renouvelé et le loyer fixé au prix de marché pour les locaux en cause.

 

Les locaux à usage bancaire étant assimilables à une activité de bureau dans la mesure ou les banques exercent une activité essentiellement intellectuelle, l’éviction du preneur n’entraine pas la perte du fonds de commerce, lequel pourra faire l’objet d’un transfert.

Cour d’appel de Paris, 6 mars 2025, n°21/15976

ð Le réputé non-écrit de la clause de renonciation à recours qui vise « tout vice ou défaut de la chose louée »

En l’espèce, un preneur assigne son bailleur en raison des dégâts des eaux récurrents affectant son officine de pharmacie. Le bail contenait une clause de renonciation à recours pour divers types de dommages, y compris ceux causés par l’eau, les infiltrations, ainsi que pour « tout vice ou défaut de la chose louée ».

Aux termes des articles 1719 et 1720 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, de l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. Il est par ailleurs tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce et il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autre que les locatives.

 

Les magistrats sont venus préciser que les stipulations du bail aboutissent en réalité à décharger la bailleresse de ses obligations de délivrance et de réparation de la chose louée, issues des articles 1719 et 1720 précités.

 

La clause de renonciation à recours visant « tout vice ou défaut de la chose louée » est en conséquence réputée non écrite.

Cour d’appel de Versailles, 26 février 2025, n°24/04747

Validité de la clause d’augmentation forfaitaire du loyer dans un bail commercial

Des époux donnent à bail commercial à une société un lot de copropriété dont ils sont propriétaires dans un immeuble à usage de résidence Ehpad.

La clause intitulée « loyer et indexation » du bail stipule que le loyer sera, au terme de la deuxième année entière suivant la date de prise d’effet du bail, révisé annuellement au 1er janvier suivant, avec une garantie d’augmentation de 1,5 % net par an.

 

Le preneur saisit le tribunal en vue de faire réputer cette clause non écrite.

 

La Cour d’appel de Lyon répond que cette clause ne s’analyse pas comme une clause d’indexation prohibée par le statut des baux commerciaux mais comme une clause d’augmentation forfaitaire du loyer, indépendante des prescriptions liées à la révision ou à l’indexation et, dès lors, valable.

 

Cette analyse se justifie par le fait que la stipulation ne prévoit pas d’indexation : l’augmentation annuelle du loyer ne dépend pas de l’évolution d’un indice ou autre variable aléatoire.

Cour d’appel de Lyon, 13 mars 2025, n°22/02387

ð Rappel des règles en matière de saisie conservatoire fondée sur une dette locative

La Cour d’appel de Paris est venue rappeler plusieurs principes essentiels dans cet arrêt. Elle souligne notamment que lorsqu’un défaut de paiement résulte d’un contrat de bail écrit, il n’est pas nécessaire de solliciter l’autorisation préalable du juge pour mettre en place une saisie conservatoire, à condition que les paiements concernent spécifiquement les loyers et charges, à l’exclusion de tout autre somme, comme des pénalités ou indemnités.

En l’espèce, les sommes dont le bailleur faisait état étaient principalement composées desdites pénalités et indemnités, le preneur ayant réglé ses loyers.

 

En sus, la Cour précise qu’il est nécessaire de justifier de circonstances spécifiques susceptibles de mettre en péril le recouvrement de la créance afin de fonder la saisie-conservatoire pratiquée.

 

Enfin, la Cour considère que la saisie-conservatoire ayant pour conséquence l’immobilisation d’une partie de la trésorerie du preneur pendant plusieurs mois cause à ce dernier un préjudice qu’il convient de réparer. Par conséquent, elle confirme la décision de mainlevée de première instance du juge de l’exécution et accompagne de dommages et intérêts à hauteur de 4.000 €.

Cour d’appel de Paris, 20 mars 2025, n°24/13681

L’exercice du droit d’option du bailleur dans le cadre du renouvellement du bail commercial

A la suite d’une demande de renouvellement par le preneur d’un bail commercial et n’ayant pas réussi à s’accorder sur le prix du loyer renouvelé, le bailleur a exercé son droit d’option, notifiant au preneur son refus du renouvellement du bail. Le preneur a alors assigné le bailleur en annulation de son droit d’option et en constatation du renouvellement du bail commercial.

La Cour de cassation est venue préciser que les mentions obligatoires exigées par l’article L. 145-9 du Code de commerce ne concernent que le congé délivré par le bailleur et non l’exercice par ce dernier de son droit d’option, lequel n’est soumis à aucune condition de forme.

 

La Haute Juridiction rappelle ensuite que le bailleur a la faculté d’exercer son droit d’option tant que l’action en fixation du loyer n’est pas prescrite.

 

Le bailleur ayant exercé ce droit par un acte dépourvu de toute équivoque quant à son intention de mettre fin au bail avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date de prise d’effet du bail renouvelé, ce droit a été valablement exercé.

Cass. civ. 3ème, 27 mars 2025, n°23-20.030

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