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Oct

RAT DES VILLES DEVENU RAT DES CHAMPS : L’ELOIGNEMENT DU DOMICILE DU SALARIE ET LA PRISE EN CHARGE DE SES FRAIS DE TRANSPORT

Une étude de l’ANDRH (réalisée en juin 2021) révélait que 30% des DRH avaient été confrontés à des situations de déménagement de collaborateurs durant la période de crise sanitaire.

Il est certain que, moyennant un salaire identique et quelques déplacements ponctuels au bureau, la perspective d’une meilleure qualité de vie au quotidien et d’un loyer moins élevé est en effet très tentante.

Le développement du télétravail a rendu possible cette quête.

Au regard du droit, se pose alors la question suivante : dans quelle mesure l’employeur doit-il participer aux frais de transport des salariés qui, pour convenances personnelles, ont choisi de déménager dans un lieu particulièrement éloigné ?

On sait en effet que la loi oblige l’employeur à prendre en charge 50% du coût d’abonnement à des transports publics (et non les billets ou tickets) pour ses déplacements entre sa résidence habituelle et son lieu de travail (articles L. 3261-2 et R. 3261-1 du Code du travail).

On sait aussi que les abonnements annuels, mensuels ou hebdomadaires émis par la SNCF sont notamment visés (C. trav., art. R. 3261-2) :

Pour un employeur situé en Ile-de-France, un salarié qui souhaiterait se mettre au vert dans les Yvelines n’engendre donc pas les mêmes coûts de transport qu’un salarié déménageant à Biscarosse…

L’entreprise doit-elle nécessairement absorber l’augmentation du coût de l’abonnement ?

La réponse n’est pas forcément intuitive.

En l’état actuel de la jurisprudence, l’éloignement du domicile du salarié n’est pas un critère permettant à l’employeur de limiter son obligation légale de prise en charge des frais de transport.

La solution a encore été récemment rappelée par le tribunal judiciaire de Paris au moins de juillet dernier (TJ Paris, 5 juillet 2022, n°22/04735).

Peu importe la distance, l’employeur doit prendre en charge au moins la moitié de l’abonnement.

L’employeur est-il pour autant démuni ?

La réponse n’est pas évidente : si l’employeur ne peut limiter le droit au remboursement des frais de transport en fonction de l’éloignement du domicile du salarié, aucun texte lui interdit cependant de fixer une limite d’éloignement géographique dans lequel le télétravail serait autorisé… ce qui évacue de fait la question de l’obligation de prise en charge de ces frais au-delà de la limite ainsi fixée.

Une clarification jurisprudentielle serait néanmoins bienvenue.

Emilie Meridjen, associée en droit du travail et Pierre Feltz, collaborateur.