SEKRI VALENTIN ZERROUK

Newsletter Immobilier #1
Bail commercial

Révision triennale et loyer binaire

Pour mémoire, la Cour de cassation est venue préciser à plusieurs reprises les multiples règles afférentes à la fixation du loyer de renouvellement s’agissant d’un loyer binaire. Elle a notamment indiqué que la fixation du loyer binaire ne dépend que de la volonté des parties au bail commercial (Cass., 3e civ., 10 mars 1993, n° 91-13.418). Elle a également tranché qu’un loyer binaire, comportant une part minimale et une part variable n’interdit nullement le recours au juge des loyers, charge à lui d’évaluer la valeur locative des locaux loués pour fixer la part minimale du loyer (Cass., 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-27.798).

Cette année encore, la Haute Juridiction a ajouté que l’absence de clause expresse afférente au recours du juge des loyers n’implique pas automatiquement une exclusion par les parties de la fixation judiciaire du bail renouvelé (Cass. , 3ème Civ. , 30 mai 2024, n° 22-16.447).

 

Cette dernière position a été vivement critiquée en doctrine, le Tribunal Judiciaire de Paris ayant, quant à lui, décidé de suivre ce raisonnement… Pour le moment.

Tribunal judiciaire de Paris 24 juillet 2024, n°23/02404

Suspension de la prescription : attention aux simples « protestations et réserves » lors de la demande d’expertise !

Lorsque le bailleur délivre un congé avec refus de renouvellement, le locataire qui entend demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal avant l’expiration du délai de deux années à compter de la date pour laquelle le congé a été donné pour ne pas encourir la prescription biennale de l’article L 145-60 du Code de commerce (C. com. art. L 145-9, al. 5). Le délai de prescription est interrompu par la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit (C. civ. art. 2240), ainsi que par une demande en justice, même en référé, jusqu’à l’extinction de l’instance (C. civ. art. 2241 et 2242) ; il est suspendu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès (C. civ. art. 2239).

Il convient au préalable de rappeler la chronologie des faits de l’espèce :

 

  • Le bailleur, après avoir offert le renouvellement au preneur, exerce finalement son droit d’option en décembre 2018 et offre de payer une indemnité d’éviction.

 

  • Trois mois plus tard, soit en février 2019, le bailleur saisit le juge des référés aux fins de voir nommer un expert s’agissant du montant de l’indemnité d’éviction dont le preneur pourrait se prévaloir.

 

  • En janvier 2021, le preneur demande le paiement de son indemnité d’éviction.

 

Le bailleur soutient que la demande est prescrite car elle a été formée plus de deux années après la date d’effet du congé. Le preneur rétorque que la prescription a bien été interrompue et suspendue avec la mesure d’expertise ordonnée.

 

La cour d’appel de Paris censure le raisonnement du preneur et rappelle que l’action en paiement de l’indemnité d’éviction était prescrite.

 

Elle applique ainsi avec constance la jurisprudence de la Haute Juridiction, selon laquelle l’interruption et la suspension de la prescription entraînées par le prononcé d’une mesure d’instruction ne profitent qu’à la partie qui a sollicité l’expertise (Cass. 3e civ. 19-3-2020 n° 19-13.459). En d’autres termes, le preneur qui n’a émis que de simples protestations et/ou réserves ne s’est pas associé à la demande et ne peut donc se prévaloir de l’effet interruptif de prescription.

CA Paris 13-6-2024 n° 22/08263, ch. 5-3

Destruction de la chose louée et conséquences sur le bail commercial

L’article 1722 du Code civil dispose que « Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».

En l’espèce, le preneur résilie le bail commercial dont il est titulaire en raison de l’incendie d’un bâtiment voisin ayant entraîné, selon lui, une libération d’amiante sur la toiture et plus généralement à l’extérieur des locaux.

 

La Cour d’appel de Paris rappelle la jurisprudence constante de la Haute Juridiction selon laquelle la destruction totale de la chose louée est caractérisée par l’impossibilité absolue et définitive d’en faire usage ou par la nécessité de travaux dont le coût excède la valeur de la chose louée (Civ. 3e, 8 mars 2018, n° 17-11.439 ; Cass. civ. 3, 9 décembre 2009, n° 08-17.483).

 

Elle déboute ainsi le Preneur de sa demande du droit à indemnité d’éviction, l’impossibilité d’accès n’étant ni totale ni définitive et le coût n’excédant pas la valeur des locaux loués.

Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 19 septembre 2024 n° 22/14224

Exception d’inexécution pour contrer la résiliation du bail : la Cour d’appel de Paris répond par la négative

L’article L. 145-41 du Code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».

En l’espèce, le preneur tente, devant le juge des référés, de soutenir que son obligation de payer le loyer était sérieusement contestable en raison de la présence d’infiltrations dans les locaux loués.

 

Il soulève ainsi l’exception d’inexécution sur cette base.

 

La Cour d’appel de Paris valide le raisonnement du juge des référés qui, sur la base de l’article 1728 du Code civil, rappelle que le preneur est tenu au paiement des loyers et charges, sans pouvoir invoquer l’exception d’inexécution, sauf à justifier que les locaux loués sont totalement impropres à l’usage les dispositions du bail les destinaient.

 

Le preneur poursuivant son exploitation, le bailleur peut alors tout à fait se voir allouer une provision sur les loyers impayés mais également l’indemnité d’occupation.

Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 19 septembre 2024 n° 22/14224

Compétence impérative du lieu de situation de l’immeuble devant les juridictions parisiennes

Par six jugements du 21 juin 2024 (RG n°23/56868, n°23/55694, n°23/57361, n°23/54628, n°24/50495, n°24/50031), le Tribunal judiciaire de Paris s’est déclaré incompétent dans diverses procédures afin de fixation du loyer lors du renouvellement du bail qui contenait une clause attributive de compétence territoriale au profit de Paris, les immeubles étant situés en dehors de son ressort.

 

Par deux nouvelles décisions du 26 septembre 2024, le Tribunal judiciaire de Paris précise qu’il n’est pas – non plus- territorialement compétent pour statuer sur la demande de référés dits « préventifs », à savoir les demandes d’expertise judiciaire ayant pour objet de dresser l’état des avoisinants avant toute opération de construction immobilière devant être réalisée hors de son ressort.

 

Le Tribunal Judiciaire de Paris, dans un communiqué du 26 septembre 2024, explique sa position ainsi : « la compétence de la juridiction dans le ressort de laquelle la mesure doit être exécutée s’impose à l’exclusion de toute autre ».

Tribunal judiciaire de Paris 26 septembre 2024, n°24/54865, n°24/55699

Commandement de payer privé d’effet et congé avec refus d’indemnité d’éviction

Un propriétaire bailleur donne à bail des locaux à usage commercial à destination exclusive d’« École de Conduite ». En raison de défauts de paiements répétés, le bailleur fait délivrer au preneur un commandement visant la clause résolutoire puis un congé avec refus de renouvellement et sans offre d’une indemnité d’éviction pour motif grave et légitime, en l’espèce, le défaut de paiement des loyers.

Le Tribunal Judiciaire de Paris affirme que le commandement de payer n’étant pas valable, la clause résolutoire n’a pu être mise en œuvre. En revanche, le congé délivré avec refus de renouvellement et refus d’une indemnité d’éviction pour motif grave et légitime est parfaitement valable et produit ainsi ses effets.

 

La Cour d’appel de Paris valide le raisonnement des juges du fond en précisant que « faute d’indiquer en termes clairs et dénués d’ambiguïté le délai prévu par l’article L. 145-41 du code commerce et au surplus, faute d’avoir été délivré de bonne foi », le commandement de payer ne peut permettre l’acquisition de la clause résolutoire.

 

Ce faisant, la juridiction de second degré rappelle que la circonstance que le commandement de payer soit déclaré privé d’effet n’a pas pour conséquence de priver le bailleur de délivrer congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime.

 

Le preneur n’a, en conséquence du congé délivré – et non du commandement -, plus droit ni titre sur les locaux et doit alors en être expulsé.

Cour d'appel de Paris, 26 septembre 2024 RG n° 20/04936

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