La Jurisprudence Steria fait toujours parler d’elle !
Octobre 2023
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A propos
Dans une décision célèbre portant sur le régime français de l’intégration fiscale (CJUE, 2 septembre 2015, aff. C-386/14, Groupe Stéria SCA),
la CJUE avait jugé que les dispositions de l’article 223 B du CGI (alors en vigueur) prévoyant la neutralisation de la quote-part de frais et charges applicable aux dividendes relevant du régime mère-fille étaient contraires à la liberté d’établissement, en ce qu’elles excluaient les dividendes versés par des filiales établies au sein de l’UE qui, si elles avaient été établies en France, auraient rempli les conditions pour être membres du groupe fiscal intégré.
Le législateur a tiré les conséquences de cet arrêt dans le cadre de la loi de finances pour 2015 en supprimant la neutralisation de la quote-part de frais et charges au sein de l’intégration fiscale et en instaurant une quote-part de frais et charges au taux réduit de 1% pour les distributions provenant d’une filiale française intégrée ou d’une filiale européenne intégrable.
Huit ans après, la jurisprudence Steria continue de recevoir des applications pratiques en droit interne
Dans un arrêt récent portant sur des dividendes reçus par la SA Société Générale entre 2013 et 2015 (CE du 17 octobre 2023, n° 464994, Société Générale),
le Conseil d’Etat étend la jurisprudence Steria aux dividendes non-éligibles au régime mère-fille en jugeant, sur le fondement de la liberté d’établissement, que les dividendes versés par une filiale située dans un autre Etat membre de l’UE à une société française membre d’un groupe d’intégration fiscale détenant une participation inférieure à 5% (la filiale étrangère était par ailleurs détenue à plus de 95% par le groupe) peuvent être neutralisés au niveau du résultat d’ensemble du groupe.
Si cette solution avait déjà été consacrée par le législateur dans le cadre de la loi de finances pour 2019, cette décision conserve néanmoins une portée importante pour les litiges en cours relatifs aux distributions antérieures.
Dans la lignée de la décision Société Life Sciences Holdings France précitée,
la CAA de Paris refuse d’appliquer la solution Steria aux dividendes provenant de filiales détenues à plus de 95% établies en Suisse (CAA Paris, 6 octobre 2023, n°21PA00260, société AXA SA) et au Chili (CAA Paris, 10 novembre 2023, 21PA01640, société Legrand SA) et rappelle que les sociétés requérantes ne sauraient utilement invoquer la liberté de circulation des capitaux (seule liberté fondamentale applicable aux relations économiques entre l’UE et les pays tiers) à l’appui de la neutralisation de la quote-part de frais et charges.
Ces décisions nous offrent un rappel utile de la différence de traitement applicable au sein d’un groupe d’intégration fiscale aux dividendes provenant de filiales établies en dehors de l’UE.
Article 5 novodecies du Projet de Loi de Finances 2024
Enfin, l’actualité étant particulièrement riche en la matière, nous attirons l’attention de nos lecteurs sur :
l’article 5 novodecies du Projet de Loi de Finances 2024, adopté le 9 novembre 2023 par l’Assemblée nationale et le 25 novembre 2023 par le Sénat, dont l’objet est de mettre le droit français en conformité avec la jurisprudence de la CJUE (11 mai 2023, affaires jointes C-407/22, Manitou BF SA, et C-408/22, Bricolage Investissement France SA) en permettant à une société française qui a renoncé à se constituer société mère ou membre d’un groupe avec d’autres sociétés françaises d’appliquer le taux réduit de la quote-part de frais et charges du régime mère-fille (1%) aux dividendes perçus d’une société européenne qui remplit les conditions du régime de groupe.