07
Mar

ÉTENDUE DES POUVOIRS DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN MATIÈRE DE PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE

L’article 12 de la Sapin 2 (loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016), prévoit qu’en cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte, le lanceur d’alerte peut saisir le conseil de prud’hommes en référé.

L’article L. 1132-3-3 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou pour avoir signalé une alerte. Le licenciement d’un lanceur d’alerte prononcé en méconnaissance de ce principe est nul (C. trav., art. L. 1132-4).

L’arrêt du 1er février 2023 de la Cour de cassation nous donne un éclairage sur la portée du contrôle judiciaire.

Une salariée saisit le comité d’éthique de son groupe pour signaler des faits susceptibles d’être qualifiés de corruption mettant en cause notamment son employeur. Le traitement de l’alerte conclut à l’absence de situation contraire aux règles et principes éthiques. Quelques semaines plus tard, la salariée est licenciée.

Elle saisit la formation des référés de la juridiction prud’homale arguant de la nullité de son licenciement, intervenu selon elle en violation des dispositions protectrices des lanceurs d’alerte.

Il appartenait à l’employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’alerte.

Compte-tenu du pouvoir limité du juge des référés, ce dernier, confirmé par la cour d’appel, déboutent la salariée de sa demande, estimant notamment que l’appréciation du motif du licenciement relève exclusivement des juges du fond.

La Cour de cassation casse. Pour elle, dans la mesure où la qualité de lanceur d’alerte était reconnue, les juges auraient dû rechercher si l’employeur rapportait la preuve que sa décision de licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’alerte. Il n’est pas suffisant de démontrer qu’il n’existe pas de lien manifeste entre la qualité de lanceur d’alerte et le licenciement, ce qui revient à donner au juge des référés le pouvoir d’apprécier le bien-fondé du licenciement : si le salarié a établi la présomption de discrimination, le juge doit exiger de l’employeur la justification du licenciement par des éléments objectifs étrangers au signalement.

Emilie Meridjen, associée en droit du travail