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Mai

PROROGATION DE L’ETAT D’URGENCE SANITAIRE : NOUVEAUX DELAIS DE PROCEDURE EN MATIERE FISCALE

A la suite de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet prochain, le gouvernement français a publié, le 13 mai, une nouvelle ordonnance (n°2020-560) destinée à adapter de nouveau les délais de procédure.

Nous vous présentons ci-après les principales mesures et leurs conséquences en matière fiscale.

Mesures générales

a. Modification de la période de « protection juridique »

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars dernier avait défini une période de « protection juridique », qui s’étendait du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire (voir notre newsletter sur cette ordonnance ici).

A la suite de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a modifié la définition de la période de « protection juridique » et a déterminé deux périodes distinctes :

  • L’une, du 12 mars 2020 jusqu’au 23 juin 2020 inclus;
  • L’autre, du 12 mars 2020 jusqu’au 23 août 2020 inclus.

 

b. Report des échéances d’actes tombant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus

Pour rappel, l’ordonnance du 25 mars dernier prévoyait que tout acte, prévu par la loi ou le règlement, dont le terme ou l’échéance interviendrait pendant la période de « protection juridique » pourrait valablement être effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Ainsi, compte tenu de l’ordonnance du 13 mai, sera considéré comme n’étant pas tardif l’acte qui devait être réalisé entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus et qui est finalement effectué à compter du 24 juin 2020 dans le délai qui lui était légalement imparti à l’origine, dans la limite toutefois d’un délai de deux mois.

A contrario, les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 ou au-delà du 23 juin 2020 ne peuvent pas bénéficier de ces reports.

En matière fiscale, ce report est notamment applicable aux actes de procédures devant les juridictions de l’ordre administratif (article 15 de l’ordonnance n°2020-305).

Demeurent toujours exclus de ces mesures de report certains actes, notamment les déclarations servant à l’imposition et à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes.

c. Prorogation de mesures judiciaires et administratives expirant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus

L’article 3 de l’ordonnance du 25 mars dernier prévoyait que certaines mesures judiciaires et administratives seraient prorogées de plein droit, pour une durée de 2 mois.

Etaient notamment visées les mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation, les mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction, ainsi que des autorisations, des permis et des agréments.

A la suite de l’ordonnance du 13 mai, sont dorénavant concernés par ce report les mesures visées expirant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, sauf si ces mesures sont levées ou leur terme modifié par l’autorité compétente entre temps.

Par ailleurs, la prorogation de plein droit de ces mesures est dorénavant de 3 mois au lieu des 2 mois initialement prévus.

Ainsi, une mesure judiciaire ou administrative visée dont l’échéance interviendrait entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus serait, à compter de sa date d’échéance, reportée pour une durée de 3 mois.

Mesures spécifiques en matière administrative

Plusieurs dispositions de l’ordonnance du 25 mars dernier visaient spécifiquement des délais et procédures en matière administrative.

a. Suspension des délais de l’action administrative

L’article 7 de l’ordonnance du 25 mars dernier prévoyait que les délais de l’action administrative étaient suspendus.

Compte tenu de la modification de la période de « protection juridique » de l’ordonnance du 13 mai, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes administratifs pouvait ou devait intervenir ou était acquis implicitement et qui n’avaient pas expiré avant le 12 mars 2020 ont été, à cette date, suspendus, jusqu’au 23 juin inclus.

b. Suspension des délais de prescription en matière fiscale arrivant à terme au 31 décembre 2020

L’article 10 de l’ordonnance du 25 mars dernier avait suspendu pendant la période de « protection juridique » les délais de prescription du droit de reprise de l’administration fiscale arrivant à terme au 31 décembre 2020.

Cette suspension des délais de prescription est désormais fixée du 12 mars 2020 au 23 août 2020 inclus.

Par conséquent, l’administration fiscale pourra exercer son droit de contrôle concernant les impôts et taxes qui auraient, en l’absence de mesure, été prescrits au 31 décembre 2020 jusqu’au 14 juin 2021 inclus.

c. Suspension des délais prévus dans le cadre des procédures de contrôle fiscal

L’article 10 de l’ordonnance du 25 mars dernier suspendait également pendant la période de « protection juridique », tant pour le contribuable que pour l’administration fiscale, l’ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle fiscal ainsi que les délais prévus en matière d’instruction sur place des demandes de remboursement de crédits de TVA.

Des dispositions identiques avaient été prises pour les délais de reprise, de contrôle et de rescrit prévus par le code des douanes.

Cette suspension est désormais fixée jusqu’au 23 août 2020 inclus.

d. Suspension des délais accordés à l’administration fiscale en matière de rescrit

L’ordonnance du 13 mai précise que les délais s’appliquant à l’administration fiscale en matière de rescrit sont suspendus du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus.

Sont notamment concernées les procédures de rescrit suivantes :

–      Rescrits en matière de donation d’entreprises (art. L. 18 du LPF) ;

–      Rescrits en matière d’abus de droit (art. L. 64B du LPF) ;

–      Rescrits en matière d’amortissements exceptionnels, entreprises nouvelles, entreprises implantées en ZFU, ZRR (art. L. 80 B, 2° du LPF) ;

–      Rescrits en matière de crédit d’impôt recherche (art. L. 80 B, 3° du LPF) ;

–      Rescrits en matière de jeunes entreprises innovantes (art. L. 80 B, 4° du LPF) ;

–      Rescrits en matière d’établissements stables (art. L. 80 B, 6° du LPF) ;

–      Rescrits sur la définition de la catégorie de revenus professionnels (art. L. 80 B, 6° du LPF) ;

–      Rescrits sur l’application de la clause anti-abus générale de l’impôt sur les sociétés (art. L. 80 B, 9° bis du CGI) ;

–      Rescrits en matière de mécénat (art. L. 80 C du LPF) ;

–      Rescrits en matière de droits de douane (art. 345 bis code des douanes).

e. Suspension des délais relatifs aux recouvrement des créances par les comptables publics

L’article 11 de l’ordonnance du 25 mars dernier suspendait les délais applicables en matière de recouvrement des créances publiques pendant la durée de « protection juridique » augmentée de 2 mois.

Cette période de suspension s’étend donc, compte tenu de l’ordonnance du 13 mai, jusqu’au 23 août 2020 inclus.

Ces dispositions concernent toujours l’ensemble des créances dont le recouvrement incombe aux comptables publics.

Par Jérôme Assouline et Thomas Verdeil, Associés du département fiscal