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Fév

LES POUVOIRS OUBLIÉS DU CONCILIATEUR PAR SYLVAIN PAILLOTIN, ASSOCIÉ EN RESTRUCTURING

Les pouvoirs oubliés du conciliateur, socle du renouveau des procédures de prévention des difficultés des entreprises

Est-il pertinent de parler de « procédures » compte tenu du rôle des juridictions dans la prévention des difficultés des entreprises ?

La « conciliation », prévue par le livre VI du code de commerce, est une procédure de traitement des difficultés des entreprises dite préventive par laquelle, à la demande du débiteur, le Président du Tribunal de commerce désigne un conciliateur chargé d’assister le débiteur à négocier avec ses créanciers un accord permettant de résoudre ses difficultés. Son caractère préventif vient du fait qu’en théorie elle a vocation à s’appliquer alors que la situation n’est pas encore trop dégradée, car susceptible d’être réglée par la négociation.

Parler de « procédure » pourrait surprendre, puisque l’ouverture d’une conciliation n’a aucun effet sur les droits des créanciers (ce qui lui permet de rester confidentielle) et que son issue repose quasi exclusivement sur la volonté des parties à la négociation.

Le terme souligne toutefois l’intervention du juge, qui peut être plus ou moins importante, par exemple lorsqu’un accord est trouvé. L’accord – de nature contractuelle – peut ainsi bénéficier d’effets renforcés du fait de son homologation par le Tribunal de commerce (tels que le privilège dit de conciliation bénéficiant aux parties ayant fourni de nouveaux apports au débiteur, la protection contre les nullités de la période suspecte, etc.).

Le rôle du juge dans le déroulement de la « procédure » est cependant bien moindre que dans les procédures dites collectives (sauvegarde, redressement judiciaire etc.).

La porosité des « procédures » de prévention vécue par la pratique pose la question de la pertinence de la coexistence de deux procédures préventives distinctes.

Il n’est pas si évident de distinguer la conciliation du mandat ad hoc, autre procédure de traitement préventif des difficultés, tant les deux « procédures » partagent plus de points communs que de différences.

Elles consistent toutes deux à désigner un professionnel chargé d’assister le débiteur à négocier avec ses créanciers, sont dépourvues d’effets sur les droits des créanciers et sont confidentielles.

Leurs différences essentielles résident dans (i) la durée, la conciliation ne pouvant excéder cinq mois tandis qu’un mandat ad hoc peut être prorogé aussi longtemps que cela apparait opportun au juge (sous réserve que la société ne soit pas en cessation des paiements),  (ii) les conditions d’accès, le code de commerce prévoyant explicitement qu’il est possible d’ouvrir une conciliation alors que le demandeur est en état de cessation des paiements pourvu que tel ne soit pas le cas depuis plus de 45 jours, et (iii) les issues spécifiques à la conciliation (accord constaté ou homologué).

Une autre spécificité de la conciliation réside dans l’article L. 611-7 al. 5 du Code de commerce qui permet au débiteur, poursuivi par un créancier qui ne joue pas le jeu des négociations, de saisir le Président du Tribunal – donc le même magistrat qui a ouvert la conciliation – d’une demande de délais de paiement basée sur l’article 1343-5 du Code civil. Cet article du Code civil permet à tout magistrat d’octroyer à un débiteur des délais de paiement d’une durée maximum de deux ans, au terme d’un débat contradictoire avec le créancier afin que la décision soit prise à l’aune des contraintes pesant tant sur le débiteur que sur le créancier (l’objectif de cet examen au cas par cas étant de faire en sorte que le remède ne soit pas pire que le mal en évitant de suspendre l’exigibilité de créances dont la survie du créancier dépend).

La spécificité de la conciliation à cet égard réside donc dans le fait de fournir au débiteur un avantage procédural, en lui permettant d’avoir l’initiative de cette demande de délai (les applications de l’article 1343-5 du Code civil hors conciliation se font en principe en défense à une demande judiciaire de paiement) et ce devant un juge unique, proche de lui et qui est déjà sensibilisé à ses difficultés.

Quoique très utile en pratique, il ne faut pas surestimer cette spécificité qui n’est fondamentalement qu’un avantage de juridiction : sur le fond, il n’est pas conféré au Président du Tribunal plus de pouvoir que n’en posséderait tout autre juge qui aurait à connaître d’une action en recouvrement de la créance. Il est donc difficile de voir dans cette facilité procédurale une forme de possibilité pour le Président du Tribunal d’ordonner une suspension des poursuites « à la carte ».

Les différences entre les deux « procédures » sont également largement gommées par la pratique, puisqu’il est très fréquent de débuter des négociations dans le cadre d’un mandat ad hoc, qui pourra laisser place à une conciliation afin que l’accord trouvé puisse bénéficier des effets spécifiques à cette procédure.

De la même façon, lorsque les discussions en conciliation n’ont pas pu aboutir dans le délai de cinq mois mais qu’une réelle volonté de trouver un accord existe, il est souvent recouru à un mandat ad hoc le temps de passer le délai minimum de trois mois imposé par l’article L. 611-6 al. 2 du code de commerce entre la fin d’une conciliation et l’ouverture d’une nouvelle conciliation[1].  Il peut encore être envisagé de renégocier, dans le cadre d’un mandat ad hoc¸ un accord de conciliation devenu inadapté compte tenu de l’évolution du contexte.

Cette forte porosité entre les deux procédures amiables conduit un praticien à considérer qu’elles n’en font en pratique qu’une, de sorte qu’il conviendrait que le législateur en tire les conséquences en les fusionnant en une procédure de prévention unique[2].

Cette comparaison des procédures de conciliation et de mandat ad hoc, basée sur une large pratique, omet une différence importante de principe entre les deux, qui tient aux pouvoirs du Président du Tribunal, et, par extension, du conciliateur.

Le rôle du juge et du conciliateur est sensé distinguer les deux procédures de prévention, mais la pratique fait « oublier » certains de leurs pouvoirs spécifiques à la conciliation.

L’article L. 611-6 al. 5 du Code de commerce réserve au Président du Tribunal, uniquement dans le cadre de la conciliation, un large pouvoir d’investigation sur la situation du débiteur. Le Président du Tribunal peut « nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication de tout renseignement lui permettant d’apprécier la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur et ses perspectives de règlement, notamment par les commissaires aux comptes, les experts-comptables, les notaires, les membres et représentants du personnel, les administrations et organismes publics, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales, les établissements de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement. »

Il dispose ainsi d’un accès particulièrement large à l’information concernant le débiteur, ce qui est une spécificité propre à la conciliation qui n’existe pas en mandat ad hoc. En dehors de toute conciliation le Président du Tribunal possède certains pouvoirs d’investigation prévus par l’article L. 611-2 du Code de commerce mais ceux-ci sont nettement plus limités. En particulier, il n’a pas accès aux experts-comptables, aux notaires, ni aux établissements de crédit (sauf en ce qui concerne les éventuels incidents de paiements), et l’accès aux administrations publiques est plus restreint.

De plus, le Président du Tribunal peut, dans le cadre de la conciliation, « charger un expert de son choix d’établir un rapport sur la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur » et ce pendant toute la durée de la conciliation.

Le conciliateur n’est pas en reste puisque l’article L. 611-7 du Code de commerce dispose que « le conciliateur peut, pour exercer sa mission, obtenir du débiteur tout renseignement utile ». Cependant, les textes ne lui confèrent aucun moyen de coercition propre envers le débiteur qui refuserait de coopérer, ni aucun moyen de vérifier la sincérité de l’information qui lui serait transmise.

En revanche, l’article L. 611-7 al.2 du code de commerce impose au Président du Tribunal de transmettre au conciliateur les informations obtenues par l’usage de ses pouvoirs. Il apparait donc clair que les larges pouvoirs d’investigation du Président, allant jusqu’à l’expertise, seront en pratique mis en œuvre à la demande du conciliateur qui n’aura pas pu obtenir spontanément du débiteur les informations nécessaires à sa mission. Même s’il est envisageable que le Président du Tribunal fasse usage de ses pouvoirs à la demande d’autres parties à la conciliation, non seulement il demandera vraisemblablement son avis au conciliateur avant d’agir, lequel sera donc fondamental, mais les textes prévoient la communication par le Président des informations ainsi collectées au seul conciliateur, qui décidera donc de l’usage à en faire.

C’est pourquoi nous considérons que les pouvoirs du Président peuvent par extension être considérés comme des pouvoirs du conciliateur. Ces pouvoirs, très larges et dérogatoires au droit commun, sont spécifiques à la conciliation mais très souvent oubliés par les praticiens.

Cet oubli tient vraisemblablement à ce que dans la pratique les débiteurs tendent à fournir spontanément les éléments nécessaires à la poursuite de la mission du conciliateur. L’analyse de la situation financière et opérationnelle du débiteur, le plus souvent par des consultants spécialisés, est devenue une pratique de place presque indissociable des procédures préventives, par ce qu’il est désormais courant d’appeler les Independent Business Reviews.

La collaboration spontanée du débiteur s’explique probablement essentiellement par le double fait que l’ouverture d’une conciliation résulte d’une démarche nécessairement volontaire du débiteur, et qu’il est en pratique indispensable à la négociation avec les créanciers de fournir à ces derniers une information fiable leur permettant de mesurer la légitimité des efforts qui leur sont demandés. Les débiteurs entrent donc dans la conciliation (ou le mandat ad hoc puisque les contraintes de la négociation sont les mêmes dans ces deux cas) en pleine connaissance de la nécessité de transparence, et acceptent donc, le plus souvent, cette contrainte dès le début.

Il faut également relever que seul le débiteur a la maîtrise du choix du conciliateur puisqu’il n’est pas possible au Président du Tribunal de lui imposer un conciliateur qu’il ne souhaite pas. Il est difficile de mesurer le plein impact de ce choix sur les relations entre le débiteur, le conciliateur et le créancier, et donc sur la coopération du débiteur avec le conciliateur, mais il serait probablement naïf de considérer cet élément comme parfaitement neutre.

Notons enfin que le conciliateur confronté à un débiteur non coopératif peut toujours solliciter du Président du Tribunal qu’il mette un terme à sa mission, ce qui constitue une menace qui n’est pas dénuée d’efficacité pour motiver le débiteur (qui par hypothèse ne souhaite pas la fin prématurée de la conciliation puisqu’il en est à l’origine) à coopérer avec le conciliateur.

Dès lors, il n’est pas étonnant que ces pouvoirs n’aient dans la pratique qu’une place assez marginale.

Ces pouvoirs « oubliés » sont pourtant une spécificité révélatrice de ce que pourrait être le renouveau de la conciliation sous l’impulsion européenne.

Les pouvoirs que nous venons d’évoquer pourraient trouver une utilité renouvelée compte tenu de la proposition de directive européenne relative aux « cadres de restructurations préventifs,  à la seconde chance, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement et modifiant la directive 2012/30/UE », qui a notamment pour objectif de faire en sorte que « les entreprises viables en difficulté aient accès à des cadres de restructuration préventive efficaces au niveau national, qui leur permettent de poursuivre leurs activités. »

Elle prévoit à cette fin une procédure hybride entre les procédures préventives telles que les connait le droit français, et les procédures collectives, qui comporte des éléments tenant tantôt à la conciliation, tantôt à la sauvegarde, et s’avère donc finalement incompatible avec l’une et l’autre.

Les caractéristiques principales de cette nouvelle procédure tiennent à la constitution de classes de créanciers, à la mise en place d’un système d’application forcée interclasse, et à l’introduction d’un mécanisme de suspension des poursuites d’une durée courte, qui serait facultatif et dont le périmètre pourrait être modulé au cas par cas. Il serait ainsi possible d’exclure de la suspension des poursuites certains créanciers individuellement, voire même des classes entières de créanciers.

Le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris indique dans son rapport du 7 juillet 2017, que si c’est bien la procédure de conciliation qui est concernée par la proposition de directive, celle-ci « doit pouvoir se « combiner » avec les procédures de sauvegarde financière accélérée (SFA) (…), l’objet de cette procédure étant de donner effet à un accord de conciliation qui n’a pas été adopté par tous les créanciers financiers, ou de sauvegarde accélérée (SA) (…), procédure qui peut être ouverte lorsqu’une entreprise bénéficie d’un accord de conciliation qui réunit l’assentiment d’une grande partie des créanciers mais qui se heurte au refus de l’un ou de plusieurs d’entre eux. »

On observe d’ailleurs, depuis les introductions successives de la SFA, de la SA, et du « prepack cession », une porosité toujours croissante entre les procédures de prévention et celles dites « collectives ».

Ce qui vient désormais distinguer fondamentalement ces procédures ne réside plus tant dans le critère de la cessation des paiements que dans leur caractère public ou non, qui est intimement lié à l’effet des procédures sur les droits des créanciers dans leur ensemble.

La publicité répond en effet à l’impératif d’information des créanciers qui voient collectivement leurs droits limités par une décision de justice dont ils ne sont pas nécessairement à l’initiative, et dont ils doivent donc avoir connaissance.

Cette question est fondamentalement renouvelée dès lors qu’il devient possible d’ordonner au cas par cas, et non plus de façon générale et automatique, une suspension des poursuites « à la carte », ne concernant que certains créanciers.  Il devient ainsi tout à fait concevable qu’un créancier exclu de la suspension des poursuites n’ait pas à connaître de la procédure dont fait l’objet son débiteur.

En brouillant ainsi les catégories classiques, la proposition de directive invite à repenser en profondeur les procédures de prévention des difficultés tout autant que les procédures collectives.

On a donc pu qu’être surpris de constater que le gouvernement ait sollicité, dans l’article 64 du projet de loi « PACTE », l’habilitation du Parlement pour transposer la future directive en modifiant uniquement les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire (dont on se demande, en particulier pour le redressement judiciaire, ce que ses procédures ont de préventif, la sauvegarde étant elle-même utilisée de façon essentiellement curative, afin de bénéficier du gel du passif antérieur et de la possibilité de le réétaler sur une durée de 10 ans[3]). Outre que le fait qu’une habilitation à transposer une directive qui n’est pas encore en vigueur est pour le moins inhabituel, ainsi que d’une efficacité et d’une légitimité douteuse, cette précipitation semble révéler que le gouvernement n’avait peut-être pas pris la pleine mesure du renouveau des procédures collectives et préventives qu’imposera la future directive.

Le Sénat a pour l’heure mis un frein à la précipitation gouvernementale en supprimant cet article 64 du projet de loi « PACTE »[4]au motif que le Parlement n’est en l’état pas suffisamment éclairé sur le champ exact de la délégation de pouvoir législatif qu’il est invité à donner, alors même qu’une fois adoptée la directive prévoira un délai suffisamment long pour permettre une transposition en droit interne dans de bonnes conditions.

Il faudrait en effet se garder de confondre vitesse et précipitation face à de tels enjeux, d’autant que la proposition de directive comporte depuis peu (et postérieurement à la demande d’habilitation) une autre évolution qui pourrait s’avérer majeure pour l’avenir des procédures de prévention.

Ouvrir la conciliation à l’initiative des créanciers, fondement du renouveau de la prévention.

L’article 4 §4 du projet de directive, après avoir rappelé le principe classique selon lequel tout cadre de restructuration préventif est accessible à la demande des débiteurs, y ajoute désormais que ces cadres sont accessibles à la demande des créanciers, « avec l’accord des débiteurs »[5].

Afin d’être réellement efficace, la condition de l’accord du débiteur ne devrait pas être exigée dès la saisine de la juridiction mais en préalable nécessaire à la décision de la juridiction. La saisine de la juridiction à la seule initiative du créancier présenterait ainsi le mérite de pouvoir engager devant un juge le débat avec le débiteur sur l’opportunité de l’ouverture d’une procédure préventive. Ce dialogue avec la juridiction se situerait dans la droite ligne des prérogatives du Président du Tribunal de commerce en matière de prévention. On peut également espérer que l’expérience des magistrats et leur bienveillance perçue par les débiteurs à l’occasion de cette audition forcée puisse les amener à surmonter leurs réticences usuelles.

Sans angélisme, permettre de forcer le débiteur à débattre devant un magistrat de sa situation au regard de la notion de cessation des paiements et de ses conséquences en termes de procédures collectives (ouvertes au besoin sur seule saisine du créancier ou du parquet) et de responsabilité des dirigeants pourrait limiter les cas trop fréquents de déni de réalité de la part des dirigeants.

Cette innovation nous conduit donc à imaginer une conciliation ouverte à l’initiative d’un ou plusieurs créanciers, à laquelle le débiteur consentirait « du bout des lèvres ». En pareille hypothèse, la coopération entre le débiteur et le conciliateur pourrait ne plus être une caractéristique structurelle de cette procédure, car même si le consentement du débiteur à la procédure est formellement nécessaire, on perçoit bien que sa bonne volonté pourra être moindre s’il a été fermement orienté dans cette voie par un créancier plutôt que s’il est seul à l’origine de la démarche.

Les pouvoirs aujourd’hui oubliés du conciliateur et du Président du Tribunal en matière d’investigation sur la situation du débiteur et de coercition si nécessaire, prendraient alors tout leur sens. Ces pouvoirs deviendraient l’outil central de succès d’une telle procédure de prévention.

Ouvrir l’initiative de la prévention aux créanciers leur permettrait d’être enfin de véritables acteurs du sauvetage économique de leur écosystème et de combattre les réticences naturelles des dirigeants à utiliser ces outils pourtant efficaces. On peut en outre être rassuré quant à d’éventuels abus compte tenu du risque pour le créancier à se voir imposer une suspension des poursuites du fait de la procédure dont il aura été à l’initiative.

Les équilibres que devraient présenter une procédure de conciliation pouvant être ouverte à l’initiative d’un créancier nécessitent une analyse approfondie qui dépasse le cadre de cet article. Cette analyse sera néanmoins particulièrement importante. Les réflexions autour des « debt-to-equity swap », de la position des actionnaires[6], mais aussi des exclusions de responsabilité importantes dont bénéficient les créanciers, pour ne citer que ces sujets, devront être profondément revues sous cet angle nouveau. Il serait en effet contre-productif que, tirant les leçons de certains excès perçus comme favorables aux débiteurs, le législateur compense par des excès inverses en faveur des créanciers, qui seraient de nature à encourager des comportements de prédation.

Pour l’heure, constatons que la procédure de conciliation est appelée à évoluer notamment au niveau des personnes pouvant en demander l’ouverture, même si l’état actuel du projet de directive ne va pas aussi loin que ce que certains ont pu souhaiter.  Il importe dès lors de se souvenir que la conciliation comporte déjà une spécificité majeure liée aux pouvoirs d’investigation du conciliateur, qui ne peut prendre sa pleine mesure que si la procédure n’est pas uniquement à l’initiative du débiteur. Le législateur français pourrait donc légitimement se sentir poussé par l’aiguillon européen à aller au bout de sa logique déjà présente dans les textes mais encore incomplète.

Dans une telle perspective, l’existence de deux procédures préventives distinctes retrouverait son sens.

Le mandat ad hoc pourrait utilement conserver ses caractéristiques actuelles, à savoir qu’il ne pourrait être ouvert qu’à la seule initiative du débiteur, n’emporterait aucun effet sur les droits des créanciers, mais ne confèrerait au mandataire ad hoc aucun pouvoir d’investigation particulier.  Il s’agirait d’un mode de prévention procurant ainsi une vraie alternative à la conciliation et correspondant à l’objectif d’inciter les chefs d’entreprises à recourir à ces outils, en lui assurant que s’il est lui-même à l’initiative de la prévention, il pourra avoir accès au seul cadre préventif ne lui imposant aucune restriction ni obligation spécifique.

De même, la limitation de la durée de la conciliation, par rapport au mandat ad hoc, se justifierait mieux :  dès lors que le débiteur peut subir cette procédure contre son gré, il est normal de l’encadrer dans le temps.

En définitive, le droit français dispose d’ores et déjà d’un socle plus développé qu’il n’y parait afin de repenser les procédures de prévention pour en faire des procédures au sens propre du terme, c’est-à-dire dans lesquelles le Tribunal et le praticien désigné par lui jouent un rôle actif tant de diagnostic que de recherches de solutions, et ce même si le débiteur ne se montre pas initialement coopératif. Cette réflexion devra envisager le cadre plus large dans lequel elle s’inscrit nécessairement : en aval l’octroi de crédit, en amont les procédures dites judiciaires de traitement des difficultés, et en parallèle le régime des sûretés, qui devra d’ailleurs être réformé par voie d’ordonnance une fois la loi « PACTE » adoptée[7].

Espérons que l’aboutissement de ces réflexions permettra aux praticiens de grande qualité désignés par les tribunaux de mettre leur talent au service d’un panel beaucoup plus large d’entreprises, qui en ont grand besoin mais refusent souvent de l’admettre avant qu’il ne soit trop tard.

[1] A condition bien entendu que la situation du débiteur le permette, ce qui imposera notamment d’obtenir les accords des créanciers sur la suspension, au besoin temporaire, de l’exigibilité de leurs créances, nécessaires afin que le débiteur ne soit pas tenu de déposer une déclaration de cessation des paiements.

[2] Olivier Busine, « Prévention des difficultés des entreprises : évolutions et prospective », Rev. Proc. Coll. n°4, Juillet 2018, étude 16

[3] Le Haut Comité Juridique de la Place de Paris indique d’ailleurs, dans le rapport précité, que la sauvegarde de droit commun n’est pas concernée par la proposition de directive.

[4] Amendement n°COM-390 du 14 janvier 2019 présenté par M. Canevet.

[5] Il doit être noté qu’une version intermédiaire du 1eroctobre 2018 allait plus loin puisqu’elle ne contenait pas la limitation tenant à l’accord du débiteur.

[6] A l’encontre desquels le projet de directive montre une méfiance certaine, puisque l’article 12 prévoit que les actionnaires ne devraient pas « de façon déraisonnable, empêcher l’adoption ou la mise en œuvre d’un plan de restructuration qui permettrait de rétablir la viabilité de l’entreprise concernée ».

[7] La demande d’habilitation du gouvernement à modifier par voie d’ordonnance le droit des sûretés n’a, elle, pas été supprimée par le Sénat à ce stade.


A propos du cabinet Sekri Valentin Zerrouk

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