18
Mar

GERER LE CONFINEMENT EN ENTREPRISE

 

A situation exceptionnelle, dispositifs exceptionnels.

Le confinement de la population et la fermeture des commerces et services non essentiels à la vie de la Nation entrainent des conséquences sans précédent dans la vie de nos entreprises.

Les annonces du gouvernement se succèdent et nous serons amenés à vous informer régulièrement de l’évolution des dispositifs mis en œuvre pour aider le pays à surmonter cette crise.

Le caractère inédit de la situation laisse de nombreuses zones floues ; nous sommes néanmoins en mesure de synthétiser les solutions immédiatement mobilisables, dans l’attente des précisions du Gouvernement.

 

Le recours au télétravail

 

Tous les salariés dont l’emploi est compatible avec du travail à distance doivent être placés en télétravail.

Il est de la responsabilité de l’employeur d’équiper ses salariés du matériel nécessaire.

Compte tenu de l’épidémie, l’accord du salarié n’est pas requis et il est donc possible d’imposer aux salariés le recours au télétravail.

Si l’entreprise est dotée d’un CSE, ce dernier doit être informé de la mise en œuvre du télétravail.

Par ailleurs, nous vous recommandons de communiquer aux salariés, par email, les modalités de recours au télétravail (tout en précisant qu’elles sont temporaires et liées à l’épidémie) et particulièrement les informer :

  • des modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • de la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié en télétravail.

 

Pour les salariés dont les postes sont incompatibles avec le télétravail

 

Nous vous rappelons que l’employeur est responsable de la santé et sécurité des salariés de son entreprise et qu’il est tenu de prendre des mesures préventives mais aussi des actions de formation et d’information.

Il convient de rappeler régulièrement aux salariés concernés les mesures barrières relayées par le gouvernement :

  • se laver les mains régulièrement,
  • tousser ou éternuer dans son coude,
  • saluer sans se serrer la main, éviter les embrassades,
  • utiliser des mouchoirs à usage unique,
  • porter un masque uniquement lorsque l’on est malade et sur prescription médicale.

S’agissant des salariés amenés à poursuivre leur activité sur leur lieu habituel de travail, les recommandations du gouvernement sont les suivantes :

  • limiter les réunions au strict nécessaire et en respectant les règles de distanciation, la plupart pouvant être tenues à distance ;
  • limiter les regroupement de salariés ;
  • limiter les déplacements à ceux qui sont absolument indispensables ;
  • mettre en place une rotation des équipes ;
  • les restaurants d’entreprise peuvent rester ouverts. Ils doivent être aménagés pour laisser un mètre de distance entre les personnes à table. L’étalement des horaires de repas est recommandé.

Il convient de procéder à des aménagements organisationnels qui permettent de minimiser les risques de contamination (désinfection régulière des surfaces, TPE, poignées, mise en place de zones de distanciation, livraison et paiement sans contact, etc) au sein de chaque organisation.

Le document unique d’évaluation des risques doit être mis à jour pour tenir compte des risques et mesures mises en place pour faire face au risque épidémique.

Les salariés ayant été exposés au risque de contamination doivent se manifester auprès de leur employeur.

Si le télétravail n’est pas envisageable, et pour les parents d’enfants de moins de 16 ans, il est possible de demander un arrêt de travail, sans délai de carence, valable toute la durée de la fermeture des établissements d’accueil de l’enfant.

Il n’est pas nécessaire d’avoir un certificat médical, il convient de se rendre sur le site suivant pour formuler une demande https://declare.ameli.fr/

L’ensemble de ces mesures devront être partagées et expliquées aux salariés

Covid-19 : numéro vert

Le gouvernement a mis en place un numéro vert pour répondre à toute question : le 0 800 130 000. Avec une disponibilité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

 

Un salarié exerce son droit de retrait : comment réagir ?

 

Un salarié peut refuser de se rendre sur son lieu de travail, après avoir alerté son employeur, s’il a un motif raisonnable de penser qu’il présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (articles L. 4131-1 et suivants du code du travail). Peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché.

L’appréciation des éléments pouvant faire penser que le maintien dans le poste de travail présente un danger grave et imminent relève, le cas échéant, du juge qui vérifie le caractère raisonnable du motif.

Le caractère justifié ou non de l’exercice du droit de retrait s’apprécie au cas par cas. A ce stade, la question de savoir si l’épidémie de coronavirus constitue un motif valable pour exercer son droit de retrait est incertaine et il appartiendra au juge prud’homal de se prononcer.

Le « questions/ réponses » du Gouvernement, mis à jour le 17 mars 2020, précise :

« Dans le contexte actuel, dans la mesure où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s’exercer ».

 

Le recours à l’activité partielle

 

Le gouvernement recommande largement aux entreprises de recourir à l’activité partielle et flexibilise la procédure de mise en place du dispositif dès lors qu’elles sont impactées par les conséquences de la pandémie.

Ainsi, si la pandémie entraine une baisse significative d’activité, que certains salariés ne peuvent ni télétravailler ni se rendre sur leur lieu de travail (notamment en raison de la limitation des déplacements imposée par le gouvernement), le recours à l’activité partielle doit être envisagé.

Un projet de décret aurait été soumis aux partenaires sociaux par la Commission collective de l’emploi et de la formation professionnelle le 17 mars. Nous n’avons pas eu accès au texte mais il en ressortirait des modifications du dispositif visant à en faciliter l’accès et à réduire les montants laissés à la charges des employeurs.

Ce dispositif permet (pour une durée d’1 semaine à 6 mois renouvelable / 12 mois selon le projet de Décret) :

  • soit de réduire l’activité de l’entreprise par une baisse de la durée du travail des salariés (soit pour la totalité des salariés, soit par service) ;
  • soit de fermer temporairement l’entreprise.

L’employeur doit verser aux salariés au minimum 70% de leur rémunération brute (ce maintien de salaire n’est pas soumis à cotisations sociales à l’exception de la CSG et de la CRDS).

Les entreprises bénéficient d’un remboursement de ce maintien par l’Etat qui devrait être significativement amélioré par rapport au dispositif en vigueur.

Selon le Ministère du travail et le projet de Décret,  l’indemnisation des employeurs devrait être assurée dans la limite de 70 % de 4,5 SMIC.

La mise en place de l’activité partielle peut intervenir sans délai et avant même d’avoir déposé une demande (le site étant à saturation). Le CSE doit être informé et consulté, préalablement ou dans un délai raisonnable eu égard aux circonstances. Les salariés doivent être informés avant la mise en activité partielle.

Les démarches sont les suivantes :

  • création du compte en ligne, la procédure est entièrement dématérialisée sur le site www.activitepartielle.emploi.gouv.fr ;
  • dépôt de la demande, qui doit intervenir au plus tôt et selon le projet de Décret, dans ls 30 jours de la mise en place de l’activité partielle. Il est conseillé de solliciter une demande suffisamment large en nombre de salariés concernés et en durée pour tenir compte des évolutions possibles de la pandémie. La réponse devrait intervenir dans les 2 jours (au lieu de 15 jours actuellement) ; compte tenu des circonstances, il est probable que l’Administration ne pourra instruire toutes les demandes dans des délais aussi brefs, ce qui signifie en pratique que les demandes seront acceptées de manière implicite (en l’absence de réponse négative dans le délai de 2 jours) ;
  • demande d’indemnisation, qui intervient une fois l’autorisation obtenue et les salaires payés. Il conviendra de porter une attention particulière à la rédaction des bulletins de paie qui devront mentionner « activité partielle » avec le nombre d’heures concernées.

Lorsque la demande concerne plusieurs établissements de la même entreprise, une seule demande devrait être nécessaire selon le projet de Décret et la demande devra être adressée aux autorités compétentes pour le siège de l’entreprise (cette nouvelle disposition ne devrait néanmoins s’appliquer qu’à compter du 15 avril 2020).

Selon le projet de Décret, les salariés au forfait jour seront éligibles à l’activité partielle, ce qui n’est pas le cas actuellement (sauf en cas de fermeture totale de l’établissement ou d’une partie de l’établissement dont ils relèvent). Cette nouveauté, si elle est confirmée, permettra d’assurer une plus grande sécurité aux salariés en forfait jours et aux entreprises auxquelles ils appartiennent.

Les apprentis sont éligibles au chômage partiel mais pas les stagiaires (pour ces derniers, aucune modalité particulière n’étant prévue, vous pouvez vous tourner vers l’organisme de formation pour suspendre ou reporter un stage).

Par Emilie Meridjen, Associée en droit du travail et Camille Janson, Collaboratrice en droit du travail