Instituée par la loi du 19 février 2007 mais avec un champ d’application initialement très limité, la fiducie vient de connaître, après une discrète introduction, une série d’aménagements législatifs qui en améliorent substantiellement l’attractivité et visent à permettre au droit français de concurrencer son homologue anglo-saxon qu’est le trust. Après que la loi du 4 août 2008 a élargi le champ d’application de la fiducie, notamment concernant les qualités de constituant et de fiduciaire, et facilité certaines opérations de transfert telles que celles portant sur les créances, l’ordonnance du 18 décembre 2008 est venue garantir la stabilité de la fiducie dans les procédures collectives, tandis que l’ordonnance du 30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009 venaient préciser spécifiquement la réglementation applicable à la fiducie lorsqu’elle est octroyée à titre de sûreté.
La fiducie semble arriver à une certaine maturité législative et à une certaine stabilité. Les opportunités qu’offrent ainsi les différentes réformes et les différents aménagements ayant étendu et amélioré le régime de la fiducie en font, aujourd’hui, un précieux outil juridique destiné à apporter de nombreuses solutions dans toute une série d’opérations, tant en ce qui concerne les acquisitions, les rapprochements d’entreprises ou les financements.
La première caractéristique de « la fiducie à la française », après ces différentes vagues de modifications législatives, qui en ont modifié sensiblement le régime, est sa grande flexibilité. Le cadre général fixé par l’article 2011 du Code civil donne un vaste champ d’application à la fiducie puisqu’il y est simplement énoncé que la fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés (ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés), présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.
Par la fiducie, le fiduciaire – lequel peut être soit un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou d’assurance ou un avocat – se voit transférer la propriété de certains biens ou droits dans l’intérêt d’un bénéficiaire, qui se verra à terme transférer la propriété de ces biens ou droits, le bénéficiaire pouvant être un tiers, le fiduciaire lui-même ou le constituant, selon les hypothèses envisagées. L’une des innovations les plus marquantes du schéma fiduciaire, outre la consécration d’une propriété temporaire affectée à un but déterminé et le transfert de propriété réalisé dans l’intérêt d’un tiers, est d’instaurer, pendant toute la période fiduciaire, un patrimoine d’affectation qui tient les biens ou droits transférés à l’écart tant des créanciers personnels du fiduciaire que des créanciers personnels du constituant. La fiducie aménage ainsi une véritable étanchéité et une pleine sécurité du patrimoine fiduciaire.
Le cadre dans lequel la fiducie peut être utilisée étant très large, seule la fiducie libéralité étant prohibée, la fiducie devrait trouver de nombreuses applications chez les patriciens et s’adapter à de nombreuses situations, tant en ce qui concerne la gestion patrimoniale, la sécurisation des opérations de rachat, de financement ou de prises de participation. A cet égard, la fiducie semble pouvoir être divisée en deux grandes catégories : elle sera qualifiée soit de fiducie sûreté, soit de fiducie gestion. En effet, la fiducie sera le plus souvent constituée en vue d’affecter en propriété des biens en vue de garantir une dette (la fiducie sûreté) ou en vue de confier à un tiers « qualifié » la gestion de biens et de droits (la fiducie gestion) dans l’intérêt du constituant, voire d’un tiers bénéficiaire. C’est donc autour de ces deux catégories que devraient se développer les schémas fiduciaires dans notre paysage juridique.