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Newsletter droit Social / réforme du code du travail 05.09.2017

 

5 septembre 2017

Le gouvernement a dévoilé, jeudi 31 août 2017, les cinq projets d’ordonnances réformant le Code du travail.

Les dates à retenir (selon le calendrier prévu par le gouvernement) :

  • Du 4 septembre au 14 septembre : consultations et avis de 5 instances sur les ordonnances (Commission nationale de la négociation collective, Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, Conseil supérieur de la prud’homie, Conseil d’orientation des conditions de travail, et Conseil National de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelles).
  • 14 septembre au plus tard : avis du Conseil d’Etat
  • 20 septembre : adoption des ordonnances en Conseil des ministres
  • 25 septembre : publication des ordonnances au Journal Officiel
  • 26 septembre : entrée en vigueur, du moins pour les dispositions qui ne nécessitent pas de mesures réglementaires. Lorsque des décrets sont nécessaires, le délai d’application sera plus long puisque le Conseil d’État devra dans certains cas être à nouveau consulté.

Voici les principaux changements (qui sont encore susceptibles d’évolution, mais « à la marge » selon le gouvernement).

  1. Négociation collective dans l’entreprise
  • Articulation entre accords de branche, d’entreprise et d’établissement

Le projet d’ordonnance procède à une refonte globale de l’articulation de ces normes en distinguant 3 types de matières.

En premier lieu, celles dans lesquelles la convention de branche prévaudrait sur la convention d’entreprise conclue avant ou après, sauf si celle-ci assure des garanties au moins équivalentes.

Ces matières comprendraient :

  • les salaires minima (pas les primes) ;
  • les classifications ;
  • la mutualisation des fonds paritaires ;
  • les garanties collectives complémentaires ;
  • certaines dispositions relatives au temps de travail (équivalences, travail de nuit, temps partiel, etc.) ;
  • certaines dispositions relatives aux CDD et au travail temporaire et au recours aux contrats à durée indéterminée « de chantier » ;
  • certaines dispositions relatives à l’égalité professionnelle ;
  • les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai ;
  • le transfert conventionnel des contrats de travail quand l’article L 1224-1 du Code du travail ne s’applique pas.

En second lieu, les matières dans lesquelles, quand la convention de branche le prévoirait, la convention d’entreprise conclue postérieurement ne pourrait pas comporter de stipulations différentes, sauf si elle assure des garanties au moins équivalentes :

  • prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ;
  • insertion professionnelle et maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;
  • effectif à partir duquel les délégués syndicaux pourraient être désignés, nombre des DS et valorisation de leurs parcours syndical ;
  • primes pour travaux dangereux ou insalubres.

Enfin, dans toutes les autres matières, les conventions d’entreprise ou d’établissement, antérieures ou postérieures, prévaudraient sur les conventions de branche, étant précisé que, en l’absence d’accord d’entreprise ou d’établissement, la convention de branche s’appliquerait. Ce serait le « domaine réservé » de l’accord d’entreprise ou d’établissement.

  • Conclusion d’accords en l’absence de délégué syndical

Le projet d’ordonnance poursuit le travail amorcé par la Loi Travail en facilitant significativement la négociation collective dans les entreprises sans délégué syndical (DS).

Ainsi :

  • dans les entreprises de moins de 11 salariés et dans les entreprises ayant entre 11 et 20 salariés sans élu au comité social et économique (issu des ordonnances), l’employeur pourrait proposer un projet d’accord aux salariés, portant sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective. Pour être valide, il devrait être ratifié à la majorité des deux tiers du personnel ;
  • dans les entreprises employant entre 11 et moins de 50 salariés sans DS, des accords pourraient être négociés, conclus et révisés :
  • par un ou plusieurs salariés mandatés par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans la branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel ; la validité des textes conclus avec des salariés non élus mandatés serait subordonnée à leur approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ;
  • ou par un ou des membres de la délégation du personnel du comité social et économique, qui devront ensuite être signés par celui ou ceux représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

Ces accords pourraient porter sur tous les thèmes pouvant être négociés par accord d’entreprise ou d’établissement.

Les dispositions relatives à la négociation dans les entreprises d’au moins 50 salariés sans DS resteraient globalement inchangées.

Les négociateurs seraient dotés d’un crédit d’heures de 10 heures maximum par mois, en sus du temps passé aux réunions de négociation.

  • Accords majoritaires / non-majoritaires

Deux nouveautés à signaler :

  • aujourd’hui, lorsqu’un accord est signé par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections professionnelles (accord non majoritaire), l’une ou plusieurs des organisations signataires disposent d’un délai d’un mois pour demander la consultation des salariés afin de valider l’accord.

Désormais, le projet d’ordonnance prévoit qu’à l’issue de ce délai, c’est l’employeur qui pourra demander l’organisation du référendum « en l’absence d’opposition de l’ensemble des organisations ».

  • par ailleurs, la généralisation des accords « majoritaires » serait avancée du 1er septembre 2019 au 1er mai 2018.
  • Contestation des accords collectifs

Le projet d’ordonnance sécurise les accords collectifs en aménageant leurs conditions et leurs délais de contestation :

  • il introduit un nouveau principe selon lequel les conventions ou accords répondant aux conditions de validité seraient présumés négociés et conclus conformément à la loi et il appartiendrait à celui qui conteste leur validité de prouver le contraire ;
  • l’action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord devrait être engagée, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de sa notification aux syndicats non signataires ou, pour les salariés, de sa publication (contre 5 ans actuellement).

Par ailleurs, en cas d’annulation judiciaire de tout ou partie d’une convention ou d’un accord, le juge pourrait décider, s’il apparaissait que l’effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, que celle-ci ne produirait ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sans préjudice des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision.

Actuellement, cette faculté n’est pas ouverte au juge.

  • Négociations collectives obligatoires

Les dispositions du Code du travail relatives à la négociation obligatoire de branche, d’une part, et d’entreprise, d’autre part, seraient entièrement réécrites.

S’agissant des entreprises, le chapitre consacré à la négociation obligatoire comprendrait désormais 3 sections :

  • la section 1 définirait les mesures d’ordre public: interdiction de prendre des mesures unilatérales pendant les négociations, obligation d’établir un procès-verbal de désaccord, notamment ;
  • la section 2, champ de la négociation collective, prévoirait que l’accord collectif pourrait déterminer les thèmes des négociations obligatoires, la périodicité (pouvant aller jusqu’à 4 ans) et le contenu de chaque thème, le calendrier et le lieu des réunions, les informations à remettre aux négociateurs et la date de la remise, les modalités de suivi des engagements souscrits par les parties.

Seraient concernées les négociations de groupe, d’entreprise ou d’établissement. Le principe serait donc que les modalités de la négociation collective soient déterminées par la négociation collective elle-même ;

  • la section 3 déterminerait les dispositions supplétives applicables à défaut de l’accord ci-dessus : a priori et sous réserve d’un examen plus approfondi, les dispositions régissant actuellement les négociations annuelles et triennales obligatoires continueraient, pour l’essentiel, à s’appliquer.
  • Nouvel accord de compétitivité

L’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective procède à l’harmonisation des conditions de recours et du contenu de certains accords (accords de maintien dans l’emploi, de préservation de l’emploi, accords de mobilité interne).

Ainsi, elle prévoit un seul type d’accord aux conditions assouplies, qui peut « aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ; aménager la rémunération [et] déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise, afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi ».

Les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique.

L’ordonnance précise le contenu de l’accord, mais surtout les modalités de rupture du contrat de travail des salariés qui refuseraient de se voir appliquer ses dispositions :

Le salarié disposerait d’un délai d’un mois pour faire savoir qu’il refuse la modification de son contrat de travail. Si l’employeur décide de licencier le salarié, « ce licenciement ne constitue pas un licenciement pour motif économique et repose sur une cause réelle et sérieuse. »

Le salarié n’accède donc pas au CSP, mais il bénéficie d’un abondement de 100 heures de son compte personnel de formation.

  • Entrée en vigueur

Les dispositions ci-dessus (1. Négociation collective) entreraient en vigueur à la date de publication des décrets d’application et, au plus tard, le 1er janvier 2018.

Les clauses des conventions et accords de branche conclus avant les ordonnances dans les domaines réservés à l’accord d’entreprise ou d’établissement et interdisant à cet accord de déroger à leurs stipulations deviendraient caduques dès la publication de l’ordonnance.

  1. Représentation du personnel
  • Fusion des IRP

Une nouvelle institution dénommée comité social et économique se substituerait aux délégués du personnel dans les entreprises d’au moins 11 salariés et aux 3 instances d’information et de consultation (DP, CE et CHSCT) dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Ce comité serait mis en place, selon le cas, au niveau de l’entreprise, d’une unité économique et sociale ou au niveau interentreprises. Des comités sociaux et économiques d’établissement et un comité social et économique central d’entreprise seraient constitués dans les entreprises comportant au moins deux établissements distincts.

Pour rappel, actuellement, la loi Rebsamen de 2015 propose cette fusion uniquement aux établissements de 50 à 300 salariés.

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, une commission dédiée « santé, sécurité et conditions de travail » devra être instituée. L’instance ainsi créée pourra négocier des accords en l’absence de délégué syndical.

Des représentants de proximité, choisis parmi les membres du comité social et économique ou désignés par lui pourraient être institués par accord.

Le nombre de membres composant la délégation du personnel au comité social et économique de même que leur temps de délégation devrait être déterminés par décret. Leur mandat serait de 4 ans et le nombre de mandats successifs limité à 3 sauf pour les entreprises de moins de 50 salariés dans des conditions à déterminer également par décret.

Par accord d’entreprise majoritaire ou de branche étendu, l’instance fusionnée pourrait devenir une instance unique, dénommée conseil d’entreprise, intégrant la compétence de négociation. Cet accord devrait préciser les conditions dans lesquelles la compétence de négociation est intégrée ainsi que la ou les thématiques à soumettre à l’avis conforme du conseil, par exemple en matière de formation des salariés.

Les dispositions relatives au comité social et économique et au conseil d’entreprise devraient entrer en vigueur à la date de publication des décrets d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

  • Mesures transitoires

Des mesures transitoires seraient cependant introduites en faveur des entreprises pourvues de représentants du personnel à la date de publication de l’ordonnance au Journal Officiel.

Dans ces entreprises, le comité social et économique serait mis en place au terme du mandat en cours des élus et au plus tard le 31 décembre 2019. Corrélativement, les mandats des membres du comité d’entreprise, du CHSCT, de la DUP et des DP cesseraient au plus tard à cette date.

En pratique, le mandat des élus étant actuellement fixé à 4 ans (sauf accord collectif en réduisant la durée), il cesserait de plein droit par anticipation en cas d’élection postérieure au 1er janvier 2016.

Pendant la durée des mandats en cours et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2019, les dispositions du Code du travail relatives au comité d’entreprise, aux délégués du personnel et au CHSCT demeureraient applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de l’ordonnance au JO.

Les mandats des membres du CE, du CHSCT, de la DUP et des DP arrivant à échéance entre la date de publication de l’ordonnance au JO et le 31 décembre 2018 pourraient être prorogés pour une durée maximale d’un an (pour coïncider avec la date limite du 31 décembre 2019) par décision de l’employeur, après consultation de ces instances, ceci afin de préserver les équilibres en place et ne pas perturber le fonctionnement normal des entreprises (sauf accord pour anticiper les échéances).

  1. Licenciements économiques

Pour rappel, ces dispositions s’appliqueraient aux procédures de licenciement économiques engagées après la publication de l’ordonnance.

A noter : bien qu’habilité par le Parlement à relever les seuils à partir desquels l’employeur doit établir et mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi (en termes d’effectifs de l’entreprise et de nombre de licenciements), le Gouvernement semble finalement y avoir renoncé : aucune mesure en ce sens ne figure en effet dans le texte du projet d’ordonnance.

  • Périmètre d’appréciation des difficultés économiques

Le projet d’ordonnance restreint au territoire national le périmètre géographique d’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise.

Ainsi, lorsqu’une entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient « au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, sauf fraude ».

Actuellement, selon une jurisprudence constante, les difficultés économiques et la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité doivent s’apprécier, dans les groupes de sociétés, non pas au niveau de ladite entreprise, mais du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, en prenant en compte les sociétés situées à l’étranger.

Cette mesure serait ainsi de nature à sécuriser grandement les licenciements économiques dans les groupes internationaux.

L’ordonnance précise également la définition du secteur d’activité « caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché » (actuellement, la définition du secteur d’activité est purement jurisprudentielle, la Cour de cassation appliquant un faisceau d’indices relatifs à la nature des produits, à la clientèle à laquelle ils s’adressent et au mode de distribution mis en œuvre par l’entreprise : l’ordonnance clarifie donc la question).

  • Obligation de reclassement

Les modalités d’application de l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique seraient précisées par décret.

Mais le projet d’ordonnance prévoit l’abrogation de l’article L. 1233-4-1 du Code du travail qui précise actuellement les obligations pesant sur l’employeur en la matière lorsque l’entreprise appartient à un groupe international (obligation d’information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national).

  • Critères d’ordre des licenciements

Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements pourrait être fixé aux zones d’emploi – et non à l’entreprise dans son ensemble – en cas de licenciement économique de moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours, c’est-à-dire sans plan de sauvegarde de l’emploi.

  • Compétence du comité social et économique

Le projet d’ordonnance adapterait les dispositions du Code du travail relatives aux procédures de consultation des représentants du personnel sur les licenciements collectifs pour motif économique.

Les textes renverraient, non plus au comité d’entreprise et aux délégués du personnel, mais au comité social et économique (issu des ordonnances). Ce dernier devrait être informé, le cas échéant, des conséquences du projet en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail.

En cas de licenciement économique de moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours, cette instance devrait rendre son avis dans le délai d’un mois à compter de la première réunion.

  • Codification des plans de départs volontaires

Le projet d’ordonnance inscrit dans le Code du travail le principe de la « rupture d’un commun accord du contrat de travail dans le cadre d’un accord collectif portant plan de départs volontaires ».

En d’autres termes, il codifie certaines règles du régime juridique des plans de départs volontaires qui a été défini par la seule jurisprudence et est donc peu clair.

Un accord collectif devra « déterminer le contenu d’un plan de départs volontaires excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois ». Ce texte déterminera notamment « le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées et la durée de mise en œuvre du plan ; les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ; les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ; les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié ».

L’accord majoritaire devra être transmis à l’autorité administrative pour validation.

L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié au départ volontaire emportera rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties (soumise à l’autorisation de l’inspection du travail pour les salariés protégés).

Dans certains cas, l’entreprise pourrait être tenue de contribuer à des actions de revitalisation du bassin d’emploi.

A priori, l’absence d’obligation de reclassement dans le cadre d’un plan de départs volontaires (PDV) serait inscrite dans la loi (actuellement, cette absence d’obligation est seulement reconnue par la jurisprudence, et uniquement pour les PDV « autonomes » : pas pour ceux ne comportant pas d’engagement de ne pas licencier les salariés si l’objectif de réduction des effectifs n’est pas atteint).

Le régime social et fiscal de l’indemnité versée à un salarié ayant accepté une telle rupture amiable, dont le montant devrait être fixé par ledit accord sans pouvoir être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement, serait aligné sur le régime applicable aux indemnités allouées dans le cadre d’un PSE.

L’intéressé aurait droit à l’assurance chômage.

Le nouveau régime serait applicable au lendemain de la publication de l’ordonnance.

  1. Sécurisation des relations de travail
  • Plafonnement des dommages-intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’ordonnance introduit un barème impératif des dommages-intérêts accordés par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce barème, qui serait fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, s’apparenterait davantage à une fourchette car prévoyant un minimum et un maximum :

N.B. : bien que le Conseil constitutionnel ait censuré une disposition de la loi Macron qui prévoyait des barèmes différenciés en fonction de la taille de l’entreprise, le gouvernement a prévu des montants dérogatoires applicables pour les entreprises de moins de 11 salariésjusqu’à dix ans d’ancienneté : pour ces entreprises, l’indemnité maximale pour un salarié ayant dix ans d’ancienneté s’élèverait à 2,5 mois de salaire brut.

Le juge pourrait – mais ce serait facultatif – déduire de la somme allouée en application du barème l’indemnité de licenciement versée au salarié. Le barème s’appliquerait également en cas de prise d’acte de la rupture du contrat ou de résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur.

Si le licenciement est jugé nul (violation d’une liberté fondamentale ou d’une protection spécifique, harcèlement ou discrimination, notamment), l’indemnité serait fixée par le juge à un minimum de 6 mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de rupture perçues par l’intéressé.

Certaines réparations spécifiques prévues par le Code du travail seraient modifiées, dans un sens défavorable au salarié :

  • violation de la priorité de réembauche en cas de licenciement économique : au moins 1 mois de salaire (au lieu de 2) ;
  • nullité du licenciement économique en cas d’absence ou d’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi, ou d’absence de décision de validation ou d’homologation de ce plan : minimum 6 mois de salaire (au lieu de 12) ;
  • défaut de réintégration du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ou manquement à l’obligation de reclassement lorsque ce salarié est physiquement inapte : au moins 6 mois de salaire (au lieu de 12).

A noter : les nouvelles modalités de réparation des licenciements abusifs / sans cause réelle et sérieuse ou nuls s’appliqueraient aux ruptures notifiées après publication de l’ordonnance.

  • Indemnité de licenciement

L’indemnité légale de licenciement serait accordée au salarié justifiant d’au moins 8 mois d’ancienneté, au lieu d’un an actuellement. Cette mesure s’appliquerait aux licenciements notifiés à compter de la publication de l’ordonnance.

Un décret publié en même temps que les ordonnances pourrait également augmenter le montant de l’indemnité légale de licenciement. Une hausse de 25 % du montant actuel de l’indemnité serait à l’étude.

  • Inaptitude physique

Serait modifié le périmètre de la recherche de reclassement qui s’impose à l’employeur en cas d’inaptitude physique du salarié : cette recherche serait limitée au territoire national. La mesure s’appliquerait au plus tard au 1er janvier 2018.

  • Recours contre l’avis du médecin du travail

Les recours contre l’avis du médecin du travail – avis d’aptitude ou d’inaptitude physique, notamment – relèveraient toujours de la compétence du conseil de prud’hommes, saisi en la forme des référés.

Mais celui-ci ne serait plus chargé de désigner un médecin-expert près la cour d’appel. Il pourrait en revanche saisir le médecin-inspecteur du travail d’une mesure d’instruction.

En outre, un médecin mandaté par l’employeur pourrait se voir notifier les éléments médicaux ayant justifié l’avis du médecin du travail. Le coût de la procédure, en principe à la charge de la partie perdante, serait fixé par arrêté ministériel. Le dispositif ainsi remanié entrerait en vigueur à la date de publication d’un décret d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

  • Irrégularités de forme

L’ordonnance sur la sécurisation de la relation de travail prévoit « une réforme des règles de licenciement permettant que les vices de forme ne l’emportent plus sur le fond ».

Ainsi, un décret doit fixer « les modèles que l’employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement [pour motif économique ou personnel] », ces modèles devant rappeler « les droits et obligations de chaque partie ».

De plus, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement pourront « être précisés ou complétés, soit par l’employeur, soit à la demande du salarié, dans des conditions fixées par décret ».

Si le salarié n’a pas formé une telle demande et qu’il conteste la légitimité de son licenciement, ce dernier ne pourrait pas être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d’une insuffisance de motivation. L’intéressé ne pourrait prétendre, à ce titre, qu’à une indemnité pour irrégularité de procédure égale à un mois de salaire maximum.

Par ailleurs, la méconnaissance du délai de transmission au salarié de son contrat à durée déterminée ou de son contrat de travail temporaire n’entraînerait plus à elle seule la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée mais ouvrirait droit à une indemnité égale à un mois de salaire maximum.

  • Délais de recours en cas de rupture du contrat de travail

Le délai de contestation du licenciement serait de 12 mois maximum (sauf contentieux spécifiques – notamment en cas de licenciement avec plan de sauvegarde de l’emploi – ou délais plus courts) – contre 24 actuellement dans la plupart des situations. Ces dispositions s’appliqueraient aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de l’ordonnance.

  • Prévention de la pénibilité

Le dispositif de prévention de la pénibilité serait aménagé. Le compte personnel de prévention de la pénibilité deviendrait le « compte professionnel de prévention ». A compter du 1er janvier 2018, sa gestion serait assurée par la branche accidents du travail/maladies professionnelles de la caisse nationale d’assurance maladie, de même que son financement.

Les contributions pénibilité seraient en conséquence supprimées à cette date.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2019, l’obligation pour les entreprises d’au moins 50 salariés d’engager une négociation sur un plan de prévention de la pénibilité ou, à défaut, d’établir un plan d’action, se déclencherait également lorsque leur sinistralité au titres des accidents du travail et des maladies professionnelles serait supérieure à un seuil déterminé par décret, et non plus seulement dans le seul cas où un nombre minimal de salariés est exposé aux facteurs de risques au-delà des seuils réglementaires.

  • Formes particulières de travail
  • Télétravail

Le télétravail pourrait être mis en place dans l’entreprise par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (issu des ordonnances), s’il existe.

Le télétravail occasionnel serait possible par simple accord entre l’employeur et le salarié, sans formalisme particulier : il ne serait donc plus nécessaire de conclure un nouveau contrat de travail ou un avenant au contrat.

Tout salarié occupant un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail pourrait demander à son employeur à en bénéficier. En cas de refus, la réponse devrait être motivée.

  • CDD ou intérim

Une convention ou un accord de branche pourrait fixer la durée totale du CDD ou du contrat de mission, le nombre maximal de renouvellements possibles, le délai de carence applicable en cas de succession de contrats sur un même poste et les cas dans lesquels ce délai de carence n’est pas applicable.

A défaut de stipulations conventionnelles sur ces points, les dispositions légales (a priori inchangées) s’appliqueraient.

  • CDI de chantier ou d’opération

Le recours au CDI de chantier serait possible, outre dans les secteurs où son usage est habituel au 1er janvier 2017, dans les entreprises couvertes par un accord de branche définissant les raisons d’y recourir.

Cet accord devrait fixer un certain nombre de critères tels que la taille des entreprises et les activités éligibles ainsi que les contreparties pour les salariés en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement.

  • Prêt de main-d’œuvre à but non lucratif

Selon le gouvernement, la législation actuelle crée des freins au développement de la pratique des prêts de main-d’œuvre entre les groupes ou entreprises et les start-up ou les petites et moyennes entreprises, notamment en imposant la refacturation par l’entreprise employant le salarié mis à disposition de l’ensemble des charges afférentes à sa rémunération.

Cela représenterait une forte charge, notamment pour les start-up qui recourent principalement à des profils de cadres supérieurs expérimentés.

Il serait donc précisé que les prêts de main-d’œuvre réalisés entre un groupe ou une entreprise d’au moins 5.000 salariés et une jeune entreprise de moins de 8 ans ou une entreprise d’au plus 250 salariés n’ont pas de but lucratif même si le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires, charges sociales et frais professionnels afférents à l’emploi du salarié mis à disposition.

Ce prêt de main-d’œuvre ne pourrait pas excéder 2 ans.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à prendre contact avec Emilie Meridjen : emeridjen@svz.fr